DSI,
c'est une fonction capitale pour un opérateur
télécom ?
Jean-Paul Maury.
Bien sûr : le système d'information
est la partie la plus complexe du métier d'opérateur
télécom. De sa richesse dépend
la diversité de notre offre de services :
c'est donc l'informatique qui fait la différence
entre notre offre et celle des concurrents. Je pense
que - dans notre cas - il ne faut pas hésiter
à investir massivement dans le SI, et à
faire en sorte que tout soit automatisé au maximum.
Les
investissements actuels vont-ils dans le sens de l'e-business ?
Tout à fait : nous
avons appris à travailler plus vite, à
faire des projets plus courts, et à éliminer
l'étape du cahier des charges. Les technologies
ont été un allié précieux
dans cet objectif. Nous continuons encore aujourd'hui
d'adopter des concepts chers à l'e-business,
et de les mettre en application. Le SI doit faire en
sorte de s'adapter aux besoins du commerce, et l'e-business
est à n'en pas douter dans l'air du temps pour
les problématiques commerciales.
Pouvez-vous
nous présenter vos fonctions chez France Telecom ?
J'exerce trois grandes fonctions.
En premier lieu, j'assure le fonctionnement de la direction
informatique en prenant en charge les problématiques
humaines et financières. Cela implique de partir
régulièrement à la chasse aux coûts,
et évidemment de faire en sorte que les 5500
personnes que compte ma division soient motivées
et formées au mieux. Dans un deuxième
temps, je me mets au service des 350 maîtrises
d'ouvrage du groupe qui passent chaque année
commande de 1 700 nouveaux projets. Je leur fais
profiter des conseils de la direction informatique et
de son expérience dans la maîtrise d'ouvrage.
Ce qui nous amène naturellement à la dernière
fonction, celle de gardien de la cohérence du
système d'information. La prise de décision
et la maîtrise d'ouvrage sont tellement décentrées
chez France Telecom que la surveillance de la cohérence
du SI est une fonction à part entière.
Qu'entendez-vous
par décentralisation ?
France Telecom n'a pas toujours
accordé tant d'importance à ses directions
sur le terrain. La révolution de la décentralisation
date d'il y a dix ans. Aujourd'hui, les rapports se
sont complètement inversés entre la direction
informatique et les directions décentralisées.
Ce sont elles qui nous passent commande de projets.
Nous sommes devenus une sorte de prestataire de services
que les directions décentralisées peuvent
mettre en concurrence avec des prestataires externes.
Le pouvoir appartient au terrain : ils passent
commande d'un projet, et ils nous payent par la suite.
La direction informatique n'a pas à proprement
parler de budget propre : l'argent que nous gagnons
vient des business units.
Les
directions décentralisées choisissent-t-elles
souvent de vous court-circuiter ?
Dans la pratique, notre expertise
est telle que nous parvenons à conserver la maîtrise
de la majorité des projets. 80 % des développements
sont faits en interne. Pour ce qui est de l'implémentation,
on approche très près des 100 %.
L'expression du besoin est décentralisée,
mais l'intégration et la cohérence sont
assurés par ma division.
Comment
garder un système d'information cohérent
avec une telle organisation ? N'y a-t-il pas un
conflit d'intérêt entre votre posture de
prestataire de services et votre volonté de préserver
la cohérence du SI ?
Assurément, la tâche
n'est pas facile. Ca me demande beaucoup de temps et
de diplômatie, car il faut souvent composer avec
le pouvoir des business units. Je passe d'ailleurs
beaucoup de temps à les recevoir. Mais le jeu
en vaut la chandèle : la principale vertu
de cette organisation, c'est la souplesse qui permet
aux forces vives de l'entreprise de fonctionner sans
entraves. Nous avons mis en place ce fonctionnement
en réaction aux méthodes des DSI américains :
à chaque fois qu'ils acquièrent une filiale,
leur premier réflexe est d'aligner son système
d'information sur celui de la maison mère. Je
ne crois pas que ce soit la meilleure façon de
procéder. Et pour tout vous dire, je ne suis
pas totalement désarmé dans ma lutte pour
la cohérence du système d'information :
je négocie avec la direction des budgets que
je peux facturer d'office aux business units,
et qui me permettent de garder une certaine cohérence
dans le système d'information du groupe. J'ai
moi même des grands projets pour le groupe, et
une partie de mon travail consiste à identifier
les besoins de chaque utilisateur, et à inscrire
le système d'information dans le long terme.
En le modifiant, et en fournissant des outils standards
à tout le monde.
Quels
sont alors les grands chantiers informatiques de France
Telecom ?
Il y a trois grands chantiers
de fond. Un ouvrage technique tout d'abord, qui consiste
à réarchitecturer le système d'information -
en généralisant l'IP et en reconstruisant
notre Intranet ainsi que nos structures Internet. Au
chapitre de la technique, nous souhaitons également
ouvrir notre système d'information vers l'extérieur -
vers les clients ou les filiales - en implémentant
de nouvelles plate-formes, du type serveur d'application.
Le deuxième grand chantier est fonctionnel, et
il gravite autour de la mise en place d'un front-office
et d'un back-office cohérents. Le troisième,
c'est le contrôle de la qualité perçue,
aussi bien au niveau de nos agents que de nos clients.
C'est un point très important. Ces trois chantiers
sont des enteprises de longue haleine.
Parlez-nous
des chantiers qui sont en cours cette année ...
Pêle mêle,
nous sommes en train de multiplier les capacités
de l'Intranet par 10. Nous implémentons des outils
de knowledge management. Nous mettons également
au point une station de travail standard conçue
pour donner un accès à une information
uniforme pour tous nos agents, qui permettra également
de faciliter l'attribution de droits différenciés
à chacun. Sur le plan de l'architecture fonctionnelle,
nous mettons au point des solutions de relation client.
Et la liste est encore bien longue ...
A
quoi ressemble le système d'information de France
Telecom ?
Nous avons trois niveaux d'infrastructure :
l'EAI, les serveurs d'application et les bases de données.
Nos stations de travail sont sous Windows. Nous utilisons
des workflow et des portails, ce qui nous permet d'aller
plus vite. Nous avons plusieurs ERP et des outils de
business intelligence élaborés.
Quelles-sont
vos méthodes de management ?
Nous avons mis au point un système
de motivation élaboré. Les managers recoivent
avant tout un intéressément sur la qualité
de service, ce qui nous permet de remplir nos objectifs
de fiabilité de façon satisfaisante. Nous
les motivons dans un second temps en leur faisant gagner
plus s'il respectent leurs objectifs. Mais la motivation
n'est pas suffisante : il faut aussi pouvoir les
former - nous disposons d'une école interne -
et les rendre flexibles - l'organisation matricielle
de ma division permet de regrouper les développeurs
par unité puis de les mettre à disposition
des chefs de projet.
Comment
chassez-vous les coûts ?
Les coûts sont très
liés aux délais. Je suis donc très
exigeant sur les délais. Nous faisons également
en sorte de fournir des produits de qualité,
ce qui permet par la suite de faire beaucoup d'économies.
Prenons l'exemple du développement : nous
avons mis en place un plan qualité qui nous permet
de réduire les problèmes d'intégration.
Notez également que nous tentons de favoriser
la réutilisation des solutions développées.
Enfin, nous recourons à des audits et à
des benchmarks.
Quels
sont les sources d'infos auquelles vous faites confiance ?
Beaucoup de sources internes,
mais aussi nos fournisseurs. De façon générale,
je fais parler les gens avec qui je travaille. Je n'aime
pas beaucoup les consultants, mais je lit de temps à
autre les benchmarks de grands cabinets de conseil informatique.
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