JDNet Solutions. Quelle est
la mission principale de l'observatoire de l'externalisation ?
Patrick Miliotis. La mission principale est d'aider
les entreprises dans leur démarche d'externalisation. La France est en
retard dans ce domaine. Elle comble depuis deux ans ce retard mais l'externalisation
reste pour le moment très conventionnelle. La motivation principale est
en effet trop souvent de faire des économies.
Les pays anglo-saxons sont sur des modèles beaucoup plus collaboratifs,
dans la durée, avec une optique de partenariat long terme sous-jacente. Nous voulons
montrer que nous ne sommes pas dans un modèle de mode, qu'il s'agit bien d'une
grande métamorphose, irreversible, où les entreprises sont confrontées
à une double contrainte paradoxale : elles doivent agir et réagir
vite dans un monde de plus en plus complexe et incertain. Il leur faut pour réussir
ce pari oser créer vite et autrement, en créant par exemple des réseaux,
en se concentrant sur la création de valeur et sur leur cur de métier.
Quels autres rôles vous assignez-vous ?
Notre mission est aussi de dire que cette démarche ne s'improvise pas. Des bonnes
pratiques sont à mettre en uvre, pour identifier son activité cur de métier,
pour établir des cahiers des charges, mener à bien des accords contractuels,
prendre convenablement en compte la dimension sociale qui est sous estimée en
France.
Une fois le contrat signé, il est également important
de savoir comment le copilotage doit s'effectuer, ainsi
que la co-production de services, dans la durée. Cela
revêt une importance considérable quand il s'agit
de choisir un prestataire : quelle est sa culture, son
type d'offre. Le critère prix n'est pas le seul
à prendre en considération. Enfin, notre
mission sera de publier nos travaux, les résultats
de nos rencontres, des études, des chiffres-clés.
Vous
avez publié une charte
de l'externalisation, quel est son message et son rôle
?
Nous avons en fait signé deux chartes de l'externalisation
jusqu'à présent. La première l'a été avec de
grandes organisations professionnelles dans le domaine des services (transport-logistique,
environnement...) et la deuxième avec le Ministère de la Défense,
l'armée ayant décidé de professionaliser son approche de
l'externalisation.
A ce titre, il faut voir que le marché qui tire l'externalisation vers
le haut en Europe, c'est le secteur public. Or, en France, c'est celui qui traîne.
La démarche d'externalisation rentre pleinement dans la réflexion
sur la refonte de l'Etat, et je parle ici d'externalisation des fonctions support,
de ses tâches régaliennes. Mais le code des marchés publics
n'a pas été prévu pour favoriser l'externalisation.
Pourriez-vous, en substance, nous commenter les principaux
points de cette charte ?
Nous disons tout d'abord qu'il faut privilégier la perspective stratégique
au profit d'une vue purement tactique, visant à régler un problème
immédiat.
Ensuite, il est indispendable que le contrat d'externalisation soit clair et équilibré
afin que les deux parties soient gagnantes et ne rentrent pas dans une relation
dominant / dominé, comme c'est la tradition en France. Certaines clauses
sont d'ailleurs très importantes comme celles relatives à la réversibilité,
à la transferabilité, à l'obligation de résultats
et à la transparence. L'enjeu de ces clauses est l'établissement
d'un réel climat de confiance entre le client et son prestataire. Le client
doit par exemple savoir quel est le modèle économique de son prestataire,
notamment quelle marge est dégagée sur telle ou telle opération.
A long terme, c'est payant. Cela permet aussi de savoir pourquoi un acteur est
le moins disant lors d'un appel d'offre : veut-il travailler à perte pour
gagner en économies d'échelle, pour acquérir une nouvelle
référence ou pour d'autres raisons ?
Où placez-vous les hommes dans votre démarche
?
Le troisième point de notre charte concerne justement la place des hommes,
une place que nous voulons centrale. Prenez le transfert de personnel, par exemple,
qui provoque du changement, de la rupture, donc des craintes chez les salariés,
des peurs de perte des avantages sociaux ou du sentiment d'identité vis-à-vis
de l'entreprise. Nous préconisons d'aborder le sujet en amont du projet,
ce qui signifie parler avec le personnel qui va être externalisé
pour lui expliquer l'esprit, les modalités et la finalité réelle
du projet. Cela implique aussi d'aborder les conditions de rémunération,
les opportunités de carrières, la formation, le développement
des compétences...
D'ailleurs, nous pensons que le personnel déplacé est souvent gagnant,
car la fonction externalisée n'est par définition pas perçue
par l'entreprise comme son cur de métier. Le personnel doit donc
faire face à deux problèmes : peu d'opportunités se présentent
à lui car il est dans un département non stratégique et les
métiers évoluant très vite, l'obsolence de ses compétences
survient rapidement. Or, en rejoignant un prestataire spécialisé,
son employabilité et ses opportunités de carrière deviennent
plus fortes.
Enfin, nous pensons que la culture d'entreprise doit être partagée.
Quand vous décidez de rentrer dans un processus de coproduction d'un service,
autant le faire avec des gens avec lesquels vous avez envie de travailler, des
gens qui ont des valeurs communes et qui, par ailleurs, ont une taille équivalente
à la vôtre, même si la taille ne fait pas tout.
Vous parliez précédemment d'obligation
de résultat pour le prestataire, quelles doivent en être selon vous
les modalités ?
L'externalisation se définit comme un transfert de fonction, pas
comme une remise en jeu chaque année du contrat par appel d'offre. Pour que le
prestataire dispose de la marge de manuvre nécessaire à cette atteinte
des résultats fixés, la totalité du service doit être externalisée
et le contrat doit être pensé sur une base pluri-annuelle. On peut
même envisager un partage de la valeur ajoutée, par des systèmes
de bonus/malus, définis conjointement, en fonction des résultats obtenus.
L'externalisation nécessite-t-elle
toujours plus de flexibilité chez les prestataires ? Le travail dominical, le
chômage partiel, les CDD de longue durée pronés par le Syntec
Informatique, notamment, vous semblent-ils indispensables à son développement
?
Je ne vois pas bien le rapport. Le client recherche la flexibilité,
le prestataire doit donc s'organiser, prendre ses dispositions pour répondre
à ces besoins, et cela peut très bien être de l'offshore
par exemple. Si le client demande dans son cahier des charges une présence
24h/24, au prestataire de mettre en oeuvre les moyens adéquats.
Nous assistons à
la montée en puissance de véritables équipementiers du service
qui font du one stop shopping, garants qu'ils sont de la méthodologie
déployée dans le cadre d'un projet et de la relation avec le client.
Leur rôle de chef d'orchestre les amène à sous-traiter auprès
de sociétés spécialisées, car ils ne peuvent pas maîtriser
toutes les fonctions.
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