INTERVIEW 
 
Président
Observatoire de l'externalisation (Institut Esprit Service)
Patrick Miliotis
Nous assistons à la montée en puissance de véritables équipementiers du service
Lancé par l'Institut Esprit Service - propriété du MEDEF - l'Observatoire de l'externalisation sensibilise les décideurs et prescripteurs aux stratégies d'externalisation, en abordant son management (création de valeur, qualité de service, management RH, juridique), en diffusant les bonnes pratiques et en suivant les marchés. Son Président nous détaille ici les tenants et aboutissants de la charte de l'externalisation lancée en septembre dernier par l'institut et aborde de nombreux autres aspects connexes.

17 octobre 2003
 
          
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JDNet Solutions. Quelle est la mission principale de l'observatoire de l'externalisation ?
Patrick Miliotis. La mission principale est d'aider les entreprises dans leur démarche d'externalisation. La France est en retard dans ce domaine. Elle comble depuis deux ans ce retard mais l'externalisation reste pour le moment très conventionnelle. La motivation principale est en effet trop souvent de faire des économies.

Les pays anglo-saxons sont sur des modèles beaucoup plus collaboratifs, dans la durée, avec une optique de partenariat long terme sous-jacente. Nous voulons montrer que nous ne sommes pas dans un modèle de mode, qu'il s'agit bien d'une grande métamorphose, irreversible, où les entreprises sont confrontées à une double contrainte paradoxale : elles doivent agir et réagir vite dans un monde de plus en plus complexe et incertain. Il leur faut pour réussir ce pari oser créer vite et autrement, en créant par exemple des réseaux, en se concentrant sur la création de valeur et sur leur cœur de métier.

Quels autres rôles vous assignez-vous ?
Notre mission est aussi de dire que cette démarche ne s'improvise pas. Des bonnes pratiques sont à mettre en œuvre, pour identifier son activité cœur de métier, pour établir des cahiers des charges, mener à bien des accords contractuels, prendre convenablement en compte la dimension sociale qui est sous estimée en France.

Une fois le contrat signé, il est également important de savoir comment le copilotage doit s'effectuer, ainsi que la co-production de services, dans la durée. Cela revêt une importance considérable quand il s'agit de choisir un prestataire : quelle est sa culture, son type d'offre. Le critère prix n'est pas le seul à prendre en considération. Enfin, notre mission sera de publier nos travaux, les résultats de nos rencontres, des études, des chiffres-clés.

Vous avez publié une charte de l'externalisation, quel est son message et son rôle ?
Nous avons en fait signé deux chartes de l'externalisation jusqu'à présent. La première l'a été avec de grandes organisations professionnelles dans le domaine des services (transport-logistique, environnement...) et la deuxième avec le Ministère de la Défense, l'armée ayant décidé de professionaliser son approche de l'externalisation.

A ce titre, il faut voir que le marché qui tire l'externalisation vers le haut en Europe, c'est le secteur public. Or, en France, c'est celui qui traîne. La démarche d'externalisation rentre pleinement dans la réflexion sur la refonte de l'Etat, et je parle ici d'externalisation des fonctions support, de ses tâches régaliennes. Mais le code des marchés publics n'a pas été prévu pour favoriser l'externalisation.

Pourriez-vous, en substance, nous commenter les principaux points de cette charte ?
Nous disons tout d'abord qu'il faut privilégier la perspective stratégique au profit d'une vue purement tactique, visant à régler un problème immédiat.

Ensuite, il est indispendable que le contrat d'externalisation soit clair et équilibré afin que les deux parties soient gagnantes et ne rentrent pas dans une relation dominant / dominé, comme c'est la tradition en France. Certaines clauses sont d'ailleurs très importantes comme celles relatives à la réversibilité, à la transferabilité, à l'obligation de résultats et à la transparence. L'enjeu de ces clauses est l'établissement d'un réel climat de confiance entre le client et son prestataire. Le client doit par exemple savoir quel est le modèle économique de son prestataire, notamment quelle marge est dégagée sur telle ou telle opération.

A long terme, c'est payant. Cela permet aussi de savoir pourquoi un acteur est le moins disant lors d'un appel d'offre : veut-il travailler à perte pour gagner en économies d'échelle, pour acquérir une nouvelle référence ou pour d'autres raisons ?

Où placez-vous les hommes dans votre démarche ?
Le troisième point de notre charte concerne justement la place des hommes, une place que nous voulons centrale. Prenez le transfert de personnel, par exemple, qui provoque du changement, de la rupture, donc des craintes chez les salariés, des peurs de perte des avantages sociaux ou du sentiment d'identité vis-à-vis de l'entreprise. Nous préconisons d'aborder le sujet en amont du projet, ce qui signifie parler avec le personnel qui va être externalisé pour lui expliquer l'esprit, les modalités et la finalité réelle du projet. Cela implique aussi d'aborder les conditions de rémunération, les opportunités de carrières, la formation, le développement des compétences...

D'ailleurs, nous pensons que le personnel déplacé est souvent gagnant, car la fonction externalisée n'est par définition pas perçue par l'entreprise comme son cœur de métier. Le personnel doit donc faire face à deux problèmes : peu d'opportunités se présentent à lui car il est dans un département non stratégique et les métiers évoluant très vite, l'obsolence de ses compétences survient rapidement. Or, en rejoignant un prestataire spécialisé, son employabilité et ses opportunités de carrière deviennent plus fortes.

Enfin, nous pensons que la culture d'entreprise doit être partagée. Quand vous décidez de rentrer dans un processus de coproduction d'un service, autant le faire avec des gens avec lesquels vous avez envie de travailler, des gens qui ont des valeurs communes et qui, par ailleurs, ont une taille équivalente à la vôtre, même si la taille ne fait pas tout.

Vous parliez précédemment d'obligation de résultat pour le prestataire, quelles doivent en être selon vous les modalités ?
L'externalisation se définit comme un transfert de fonction, pas comme une remise en jeu chaque année du contrat par appel d'offre. Pour que le prestataire dispose de la marge de manœuvre nécessaire à cette atteinte des résultats fixés, la totalité du service doit être externalisée et le contrat doit être pensé sur une base pluri-annuelle. On peut même envisager un partage de la valeur ajoutée, par des systèmes de bonus/malus, définis conjointement, en fonction des résultats obtenus.

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L'externalisation nécessite-t-elle toujours plus de flexibilité chez les prestataires ? Le travail dominical, le chômage partiel, les CDD de longue durée pronés par le Syntec Informatique, notamment, vous semblent-ils indispensables à son développement ?
Je ne vois pas bien le rapport. Le client recherche la flexibilité, le prestataire doit donc s'organiser, prendre ses dispositions pour répondre à ces besoins, et cela peut très bien être de l'offshore par exemple. Si le client demande dans son cahier des charges une présence 24h/24, au prestataire de mettre en oeuvre les moyens adéquats.

Nous assistons à la montée en puissance de véritables équipementiers du service qui font du one stop shopping, garants qu'ils sont de la méthodologie déployée dans le cadre d'un projet et de la relation avec le client. Leur rôle de chef d'orchestre les amène à sous-traiter auprès de sociétés spécialisées, car ils ne peuvent pas maîtriser toutes les fonctions.

 
Propos recueillis par Fabrice Deblock

PARCOURS
 
 
A 47 ans, Patrick Miliotis est diplômé de l'ISG, d'un MBA de l'Insead et en droit. Avant d'être nommé Président de l'observatoire de l'externalisation de l'Institut Esprit Service, il a occupé les fonctions de Président de la société Fairwell, fondatrice et organisatrice de quatre éditions du salon Externaliser (événement cédé à la société Proseg), de directeur général du pôle construction sécurité du groupe Blenheim/Miller Freeman (maintenant Reed exhibitions), directeur commercial Europe de NUS Consulting Corp, directeur général "credit services" chez Dun & Bradstreet, directeur commercial Amérique latine des laboratoires Abbott.

   
 

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