L'éditeur d'Illustrator et de Photoshop estime avoir
opéré avec succès la "webisation"
de son offre et ce de façon "naturelle".
Adobe veut désormais devenir un spécialiste
des outils de communication. Au coeur de la stratégie
de diffusion des produits: le site Web d'Adobe et les boutiques
Adobe-Stores. A demi-mot, se profile une stratégie
de location d'applications qui sera annoncée à
très court terme.
Propos recueillis le 12 avril 2000 par Alexandra
Bissé
JI:
Comment se présente aujourd'hui l'offre d'Adobe?
Didier Cocherel: Au delà du marché
de la PAO, qui désigne de façon restrictive
la génération du papier et de l'inprimerie,
notre offre se positionne sur le marché des outils
de communication. Et ce avec l'émergence et l'amplification
du support Web. Ainsi notre activité s'organise autour
de quatre segments que sont la publication papier (le print),
la publication sur le Web, le papier électronique
(e-paper) et la vidéo-animation qui rejoint le pôle
web. Les deux premiers pôles représentent de
façon équilibrée 80% de nos revenus
(40% à part égale). En revanche, le pôle
e-paper enregistre la plus forte croissance ( plus de 200%
sur les huit derniers mois).
Quel
a été l'impact du Web sur vos produits ?
Notre
gamme de produits a évolué de façon
naturelle vers une offre d'outils de communication cross-média
tirant parti de notre expertise en matière de design.
Ainsi, nos produits phare dédiés au monde
du print se sont vus dotés tour à tour de
fonctionnalités adaptés à l'édition
web. Tout d'abord Photoshop (mi 99) dans sa version 5.5
pour la retouche d'images professionnelles livré
avec le composant ImageReady qui permet de pallier la contrainte
de temps d'affichage inhérente au support Web. Il
faut voir le plus vite possible! Et tout récemment
la solution de publication web, Illustrator 9.0, doté
du nouveau mode Pixel Preview (aperçu pixellisé),
du support intégré des formats flash et SVG
(Scalable Vector Graphics du World Wide Web Consortium).
Et bien sûr la solution dédiée Adobe
GoLive, sortie l'année dernière suite à
l'acquisition de GoLive Systems en janvier 99. Il s'agit
d'un outil de création de contenu et de gestion de site
à destination des programmeurs. Des
liens étroits existent entre les différentes
applications.
Et en matière d'animation web ?
C'est
une de nos préoccupations majeures car le Web est
un support dynamique et la vidéo fait partie intégrante
de son développement. Notre solution LiveMotion
permet de créer des images web individuelles ou des pages
complètes intégrant l'interactivité, l'animation
et le son. Nous souhaitons d'ailleurs renforcer ce pôle
par l'acquisition de futures technologies.
Votre politique de distribution subit actuellement des modifications
majeures...
Nos ventes indirectes représentent à l'heure
actuelle 90% de nos ventes totales. Notre branche "Adobe
Direct" effectue depuis quelques années déjà
une activité de vente directe tout d'abord via une
équipe de télécteurs puis depuis 2
ans via notre site web. Site web qui prend aujourd'hui toute
son ampleur avec la création mi-99 des Adobe Stores
(9 boutiques en Europe) qui correspondent à un relookage
d'Adobe direct. L'idée était d'automatiser
toute la mécanique liée à la vente
en ligne en incluant des fonctions de paiement en ligne
et de téléchargement. Le services est d''ores
et déjà opérationnel aux Etats-Unis.
En Europe, on propose essentiellement des offres de produits
à l'essai ou à la vente avec réception
séparée des commandes. Le téléchargement
de logiciels pose tout de même le problème
de bande passante et ne peut donc être appliqué
à tous les produits. Nous adoptons à ce sujet
une politique opportuniste fondée sur un choix des
produits téléchargeables ou non.
Comment
évolue votre stratégie de commercialisation face
à la montée du Web ?
En
donnant une place plus importante à notre site, nous
nous adaptons aux différents profils de notre clientèle
qui répondent à une logique multi-canale.
Certains préfèreront s'adresser à un
fournisseur pour se procurer diverses technologies en une
seule fois tandis que d'autres souhaiteront pouvoir bénéficier
d'un espace communautaire autour du métier de designer.
C'est pourquoi sur notre site nous ne proposons pas uniquement
des produits Adobe. Une palette d'outils complémentaires
est disponible tels que des plug-in spécifiques à
télécharger, des imprimés standards
ou des maquettes. Enfin des services en ligne sont proposés
par Adobe (flashage de documents) ou par nos partenaires
(WebEx ou Inpress).
Ces
services offerts à distance préfigurent-ils
une prochaine offre ASP (Application Service Provider) ?
Effectivement,
nous nous engageons progressivement dans cette voie. On
peut citer à cet effet l'initiative qui permet de
bénéficier en ligne de façon ponctuelle
du format PDF pour la conversion d'un document Word par
exemple. Nous réfléchissons actuellement à
notre modèle ASP qui sera communiqué prochainement
mais je ne peux rien vous dire de plus pour le moment.
Quelles
sont les prochaines priorités d'Adobe ?
Nous
sommes très attentifs au monde Internet et en particulier
à l'Internet mobile. Nos récentes initiatives
avec Palm (portabilité du format PDF sur ce terminal)
témoignent de notre volonté de placer notre
format PDF au coeur de la révolution en marche dans
la façon de collecter et recevoir l'information.
Notre format est doté de plusieurs atouts sur ce
marché puisqu'il permet de restituer l'information
très fidèlement et ce en garantissant un poids
de fichier très faible. Rappelons que le poids du
texte est un enjeu majeur pour les terminaux de petite taille.
Nous travaillons également de très près
sur les technologies du livre électronique sur lesquelles
nous disposons d'un leadership assez prononcé.
Didier
Cocherel travaille chez Adobe depuis 1995, suite à
la fusion avec Aldus. Il a successivement occupé
le poste de directeur des ventes pour la France, de directeur
général France et Moyen-Orient puis, plus
récemment, celui de Regional General Manager pour
l'Europe de l'Ouest et du Sud. Chez Aldus, il était
directeur des ventes pour la France et l'Europe du Sud.
Avant de rejoindre Aldus en 1992, il a occupé divers
postes avec des responsabilités commerciales internationales
chez Borland et Olivetti.
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