Souvent critiqué pour avoir mis du temps à
élaborer une offre e-business claire, SAP est
l'un des seuls éditeurs majeurs d'ERP à
ne pas avoir été sanctionné sur
les marchés financiers au début de l'année.
Pendant que Baan et PeopleSoft connaissaient des résultats
plus que moyens, l'action de SAP explosait. Petit
tour complet des offres du géant allemand du
progiciel de gestion intégrée avec le
directeur général France, Jeroen Bent.
Propos recueillis le 31 janvier 2000 par Alain
Steinmann
JI:
Quels sont les résultats de SAP France pour 1999
et combien représente l'e-business ?
Jeroen Bent: Je ne peux pas vous communiquer
nos chiffres pour l'instant, même si nous les
avons car nous utilisons SAP (rires). Plus
sérieusement, la croissance de SAP France est
supérieure de 40 à 45% à la croissance
mondiale de SAP.
Donner la part de l'e-business dans notre chiffre d'affaires
est assez compliqué et j'essaye de garder une certaine
déontologie. Quand on achète SAP, on a forcément
une dimension e-business avec le back office. Nous travaillons
avec des processus complets et dans ce cas, nous pourrions
tout inclure dans l'-ebusiness. Aujourd'hui, il doit représenter
entre 10 et 15%. Notre objectif pour 2000 est d'équiper
1 client sur 2 avec des technologies e-business.
Comment
expliquez vous les excellents résultats de
SAP en fin d'année 99 alors que les analystes
prévoyaient une baisse de l'activité
chez les éditeurs d'ERP ?
Nous
avons eu un quatrième trimestre exceptionnel.
Les entreprises qui ont investi dans un ERP ne l'ont
pas fait uniquement pour passer le réveillon.
L'an 2000 ne pouvait donc pas faire chuter notre croissance.
Il y a plusieurs facteurs structurels qui expliquent
nos résultats. Le passage à l'euro est
un enjeu très important. Et peu d'entreprises
sont vraiment prêtes pour avoir une double comptabilité.
Le deuxième facteur est directement lié
à l'an 2000. Sous la pression de l'échéance,
des entreprises sont passées en utilisant simplement
des rustines, ce qui coûte énormément
cher. Les secteurs les plus concernés sont
le service, la distribution et le secteur public.
L'essentiel de la facture à payer pour eux
était du développement et du conseil.
Aujourd'hui, les directions générales
surveillent les budgets et ne sont plus d'accord pour
refaire des investissements à perte.
Enfin, le dernier facteur c'est la révolution
Internet que je vois comme une révolution du
business. Elle va être favorable à un
certain nombre d'acteurs dont SAP.
Allez vous toucher de
nouveaux clients cette année ou plutôt
rajouter des modules à des ERP déjà
implémentés ?
Cela dépend extrêmement des secteurs.
Dans l'industrie, l'équipement est très
important: il y aura un renouvellement et des extensions
orientées vers le supply chain. Dans la distribution,
il y a toujours une évangélisation à
faire et nous devrons relever le défi de la
performance et de la volumétrie. Dans le secteur
de la finance et de l'assurance, nous ne pourrons
pas remplacer tout le système déjà
en place. Il nous faudra démontrer que nous
pouvons nous insérer dans un système
d'information très complexe et complet. Le
secteur public va s'inspirer du secteur privé
cette année dans ses démarches de gestion
compta et de politique de ressources humaines. En
général, 2000 sera l'année de
la gestion de la relation client.
Dans
ce domaine, n'avez vous pas une longueur de retard
sur les nouveaux acteurs que sont Onyx ou SAS par
exemple ?
La
relation client est clé pour l'entreprise et
cela va engendrer une bataille très dure entre
les acteurs. Nous ne sommes clairement pas les premiers
sur ce marché, c'est à nous de montrer
que nous sommes les meilleurs. Bien connaître
un client, c'est indispensable. Le servir, c'est mieux.
Les solutions que vous me citez sont déconnectées
de l'entreprise et ne donneront peut être pas
le retour sur investissement attendu. Notre offre
comprend environ 15 composants et notre avantage concurrentiel
se situe dans leur intégration parfaite avec
SAP.
Votre
offre e-business, mySAP.com a aussi été
largement critiquée pour son retard et le flou
qui règne autour...
Nous
ne sommes pas une société de marketing,
nous n'avons pas voulu agir avec des coups d'éclats.
Mais depuis 1996, nous avons une offre complète
avec un module HR [ressources humaines, ndlr]
à destination des employés. Nous ne
nous sommes pas positionnés comme une net company,
ce qui a pu être une erreur. Maintenant, nous
sommes vraiment sur le marché avec une marketplace
et une workplace. Mais n'oubliez pas que notre stratégie
reste fortement ancrée sur le backoffice relié
au frontoffice.
Concrètement,
quelle est votre offre en e-business?
Notre
stratégie est clairement d'apporter de la valeur
ajoutée à nos clients. La frontière
de l'entreprise devient plus floue aujourd'hui et
des techniques comme l'EDI, l'échange de données
informatisées, ne permettent pas le travail
collaboratif. Notre outil de travail collaboratif
permet à des acteurs économiques de
travailler sur une plate-forme commune sans faire
partie de la même société. Ces
communautés d'intérêts trouveront
dans mySAP.com des outils pour être plus productifs.
Sur le B2B, nos solutions permettent l'intégration
entre les différents backoffices d'entreprises
différentes et l'interconnexion chez le client
entre le backoffice et le frontoffice.
Devenir
ASP, ça vous tente ?
Nous
avons lancé une offre ASP [Application Service
Provider; ndlr] soit sur une fonction précise
(la compta, les notes de frais), soit sur l'ensemble
de la gestion de l'entreprise. Notre offre se destine
aux petites entreprises mais elle peut aussi fortement
intéresser les filières des grands groupes.
Nous avons une vraie stratégie de partenariat
sur ce marché pour la diffusion de notre offre,
avec des SSII ou des opérateurs telco. Plus
de 10 personnes travaillent sur ce domaine chez SAP
France.
Que
pensez vous de retail.com ou market4retail.com qui
proposent aussi des marketplace virtuelles. Concurrents ?
La
vraie force d'une marketplace réside dans son
intégration avec le système d'information
de l'entreprise. MySAP.com propose un environnement
organisé et apporte une force de normalisation
du travail collaboratif, pas seulement en utilisant
du XML.
Il n'y aura pas un modèle qui va survivre mais
plusieurs modèles qui vont s'influencer. Je
pense que les portails structurés comme les
nôtres seront utilisés pour les achats
stratégiques et les portails génériques
comme ceux que vous me citez seront utilisés
pour les achats non stratégiques. Si une entreprise
ne se différencie pas dans ses achats, qu'est-ce-qui
va faire la différence ?
Des
premiers clients à annoncer pour mySAP.com
en France ?
Nous
avons déjà beaucoup de clients qui ont
une offre B2B. MySAP.com a été livré
en décembre, les premières installations
sont en cours et je ne peux pas vous communiquer de
noms pour l'instant. 100% de ces installations ont
lieu chez des clients ayant déjà implémenté
SAP.
Certaines
entreprises ne pourraient elles pas avoir envie de
brûler les étapes et se mettre à
l'e-business sans passer par la case ERP ?
Si une entreprise n'a pas un backbone basé
sur un ERP performant, tous les avantages du B2B sont
des leurres. Les dirigeants d'entreprise qui voudraient
brûler une étape auront une vraie menace
au dessus de la tête.
Les
ERP ont coûté cher et n'ont pas toujours
été rentables...
Nous nous intéressons
au ROI depuis 3 ans. Mais très peu d'entreprises
l'ont véritablement mesuré. Et quel
est le ROI direct et indirect ? Je ne sais pas si
beaucoup de clients peuvent vous répondre.
L'e-business
peut il être un accélérateur
pour l'implémentation de backoffices ?
Sur l'ensemble du processus,
je répondrai par la négative car l'e-business
demande d'ajouter une fonctionnalité. Ce
qui nous a permis de diminuer les délais
d'installation d'ERP, ce sont de meilleurs outils
et de meilleures méthodes. Nous avons investi
2 ans dans EnjoySAP pour rendre l'apprentissage
de notre ERP 2 fois plus rapide. Il est maintenant
plus intuitif et peut s'adresser à un marché
d'utilisateurs occasionnels.
Et
côté WAP, où en êtes vous ?
Ce qui est important pour une entreprise,
c'est de donner des informations importantes au
bon endroit et au bon moment. Si le WAP et le Palm
correspondent à cela, c'est positif. Mettre
à jour un conducteur de travaux à
partir de son Palm ou recevoir des messages d'alertes
sur son portable, c'est génial. Je trouve
mon ordinateur portale beaucoup trop gros aujourd'hui.
Alors, bien sûr que nous travaillons là
dessus...
Pour
finir, les stock options arrivent chez SAP. Comment
cela va se passer, sachant que la situation est
loin d'être claire en France ?
Il y a un débat sur
la transparence et l'imposition des stocks options.
Je pense qu'un système de rémunération
opaque est nuisible pour tout le monde mais je ne
pense pas qu'il faille imposer les stocks comme
des salaires. Chez SAP France, nous avons 2 modes.
Une très large partie des employés
bénéficient d'un programme de placement
commun. Les managers auront quant à eux des
stocks options, cela concernera moins de 5% des
employés. C'est un moyen de motivation et
de fidélisation intéressant je pense.
Jeroen
Bent, directeur des services de SAP France (activités
de conseil, formation et support) depuis 1995, nommé
vice-Président des services pour la région Europe
du sud-ouest en février 1999, a été promu au titre
de Directeur général de SAP France en septembre
1999. Diplômé en Sciences Economiques (Université
d'Amsterdam), Jeroen Bent rejoint la société Unilog
en 1981 ; il en devient Directeur de l'activité
Progiciels applicatifs en 1991.
Toutes nos interviews