Après PeopleSoft (voir
interview), l'éditeur d'ERP reconverti à
"la mode place de marché", JD Net Solutions
présente un acteur ayant pour activité native
la création et la gestion de places de marché.
Il s'agit de l'américain Commerce
One présent en France depuis avril 1999 et aux
Etats-Unis depuis 1994. En développant une stratégie
agressive d'expansion, l'éditeur dispose désormais
d'un réseau de près de 21 places de marché
opérationnelles à travers le monde. En s'émancipant
de l'étiquette de l'e-procurement (achat inter-entreprise),
le fournisseur souhaite se distinguer d'acteurs tels que
Ariba ou Oracle en fournissant de nouveaux services et en
proposant une offre allégée de sa technologie.
Néanmoins, la frontière entre les diverses
offres technologiques reste floue. Sébastien Guaquière
précise le positionnement et la stratégie
de Commerce One sur un marché hautement concurrentiel.
Propos recueillis le 30 mai 2000 par Alexandra
Bissé
JDNet
Solutions : Comment Commerce One appréhende-t-il
le concept de la place de marché ?
Sébastien Guaquière : Une place de
marché est un point central de liaison entre acheteurs
et vendeurs. Trois dimensions sont à prendre en compte
dans ce nouveau modèle économique. Tout d'abord
l'aspect technologique comprenant la gestion des transactions,
de la sécurité (cryptage et authentification
des parties) et l'infrastructure serveur. En second lieu,
la gestion des fournisseurs et des catalogues, c'est-à-dire
la capacité à recruter des vendeurs, à
collecter les catalogues (sous tout format y compris papier)
et à générer des catalogues normalisés.
Enfin dernier volet, peut-être le plus important,
l'offre de services à valeur ajoutée : enchères,
appels d'offre, ou encore les services de facturation électronique
ou logistiques. C'est ce dernier aspect qui fera la différence
avec des places de marché concurrentes (ndlr:
tel que le réseau d'achat France Télécom
avec iPlanet). Avoir le meilleur tarif et le meilleur service,
voilà où se situe le nerf de la guerre !
Comment
se décompose l'offre de Commerce One ?
Nous
avons en réalité trois casquettes. Tout d'abord
la vente de notre logiciel d'e-procurement BuySite (qui
gère notamment l'émission des bons de commande)
sous forme de licences "classiques" ensuite la
vente de notre technologie de place de marché MarketSite
qui gère la consolidation des catalogues et les transactions
et plus récemment (mars 200) MarketBuilder qui revient
en fait à une version plus allégée
de MarketSite. Elle permettra à des communautés
spécialisées de construire leurs portails
verticaux sans en supporter la gestion technique.
Comment vous différenciez-vous
des autres acteurs sur ce marché ?
Beaucoup d'acteurs essaient effectivement de se positionner
sur ce marché mais peu sont capables de délivrer
effectivement des places opérationnelles, il y a
beaucoup d'effets d'annonce. Les principaux concurrents
sur ce marché sont à mon sens SAP avec mySAP.com
et Oracle avec Oracle Exchange. Leur stratégie est
différente de la nôtre dans le sens où
ces derniers proposent des plates-formes uniquement compatibles
avec leurs applications et pas forcément inter-connectables.
Notre philosophie est au contraire résolument orientée
sur la mise en place d'un réseau de places de marché
toutes reliées entre elles et ce en vue d'élargir
les possibilités d'achat et de vente des différents
participants (Global Trading Web). Tout "aspirant opérateur
d'une place" doit accepter cette règle du jeu
dés le départ, il ne s'agit pas de construire
sa place de marché dans son coin.
Quelles
sont les étapes d'intégration pour un fournisseur
?
En ce
qui concerne le fournisseur, deux options sont proposées.
Une option avec intégration au back office via le
connecteur XCC (XML Commerce Connection) un logiciel qui
permet d'envoyer des documents au format XML téléchargeable
gratuitement sur notre site. Nous possédons certains
connecteurs standards avec des back office Oracle, PeopleSoft
ou encore SAP mais bien souvent il n'existe pas un seul
système ERP au sein d'une entreprise mais plusieurs
ce qui complique encore davantage la tâche. Nous proposons
au maximum 6 points d'intégration telles que par
exemple la vérification avec les données comptables
ou budgétaires avant le passage d'une commande. Il
faut prévoir entre 2 et 40 jours de travail par point
d'intégration. Nous proposons également une
option sans intégration qui permet de tester le système
sans risque. Les informations transitent via notre application
supply-order (mise à jour manuelle ou intégrée
du catalogue, encours commandes, etc.).
SupplyOrder et BuySite communiquent via le format XML.
L'intégration doit être
d'autant plus difficile que vous ne disposez pas d'ERP natif
?
Pour
répondre à cette question, je citerai l'exemple
de Deutsche Telecom qui a opté pour Commerce One
tandis que leur ERP était SAP et où il aurait
semblé plus facile de choisir mySAP.com. Ces derniers
ont préféré choisir notre solution
peut-être plus complexe sur le plan de l'intégration
mais plus simple d'administration et d'utilisation au quotidien.
Qui gère l'aspect intégration
?
Nous
avons quelques consultants en interne mais nous nous appuyons
de préférence sur des partenaires externes
dont PricewaterhouseCoopers ou Andersen. En France, nous
avons un partenariat fort avec Valoris.
Côté
acheteur, quelle est la démarche ?
L'acheteur
doit installer sur son intranet notre logiciel de e-procurement.
En le connectant à une place de marché de
leur choix, ils pourront, après avoir négocié
les conditions commerciales avec une liste de fournisseurs,
passer leurs ordres d'achat sur la place. Cette phase préalable
de sélection et de négociation avec les fournisseurs
est indispensable car les catalogues ne sont pas en libre
service. Notre logiciel d'e-procurement n'est pas imposé
et notre plate-forme est ouverte aux logiciels de Peregrine
Systems, Rightworks ou bien sûr PeopleSoft avec qui
nous avons spécifiquement travaillé pour mettre
au point un logiciel spécifique (ndlr :utilisé
par
Guess pour sa place
de marché dédiée aux détaillants
sur le secteur de la mode vestimentaire).
MarketBuilder
est votre dernière application permettant la mise
en place plus légère d'une place de marché.
Quel est le principe ?
Cette
version allégée de MarketSite répond
en fait à la demande très forte de la part
de nombreux professionnels de constituer des portails verticaux
par corporation de métier tout en étant affranchi
des contraintes techniques. Ces acteurs disposant avant
tout d'une expertise fonctionnelle. A charge pour eux de
recruter les acheteurs et les vendeurs et d'animer commercialement
la communuaté. La gestion des transactions et des
catalogues se fera via la connexion à la place régionale
centrale. Cette option permet de pallier les coûts
très lourds d'infrastructure (serveurs). Ainsi on
peut citer aux Etats-Unis, la place omnisell
qui correspond à un portail vertical dans le
domaine de la santé commercialisant du petit matériel
chirurgical auprès de plus de 70 cliniques. (ndlr
: une petite dizaine de portails verticaux sont actifs aux
Etats-Unis)
Quel
est votre mode de rémunération ?
Notre
financement provient de deux sources principales : la vente
de nos licences BuySite (coût de 450.000 dollars pour
mille utilisateurs) et de nos réseaux de franchisés,
opéateurs de places de marché. Nous prélevons
des commissions sur les transactions réalisées
sur les places qui correspondent à environ 20 à
30% du revenu total de la place.
A l'heure actuelle, la vente de logiciels constitue 90%
de nos revenus, à terme cette tendance sera totalement
inversée.
Quelle
est votre vision du marché français et européen
à l'heure actuelle?
Nous
venons de signer la mise en place de la première
place de marché régionale française
opérées par BNP/Paribas, Crédit Agricole,
Société Générale et Cap Gemini. Celle-ci, qui devrait être
opérationnelle en octobre 2000, marque le début
d'un réel décollage de l'activité en
France. Après un certain temps de réticence,
le marché semble avoir acquis une certaine maturité
face au concept. En particulier côté acheteurs,
on note une réel intérêt depuis début
mai. Ils voient là un moyen de d'optimiser significativement
leurs achats. Côté fournisseurs, l'enthousiasme
est plus modéré. Ces derniers appréhendent
une pression supplémentaire sur les prix. C'est pourquoi
le coût d'entrée sur la place est gratuit pour
eux, ils ne versent quelque chose qu'à partir du
moment où ils reçoivent des commandes.
Quelle est votre rentabilité?
Au
niveau mondial, notre CA est passé à 33,6
millions en 1999 et nous espérons pour la fin de
l'année un revenu compris entre 250 et 350 millions
de dollars. Nous prévoyons d'être rentables
fin 2001.
Agé
de 32 ans, Sébastien Guaquière est ingénieur
diplômé de l'Ecole Supèrieure d'Informatique Electronique
Automatique à Paris. Après une expérience
d'un an et demi en recherche et développement chez Magnetech,
une société développant un imageur par résonance magnétique,
il a successivement occupé les postes d'ingénieur
technico-commercial puis de responsable produits chez Nat
Systems (éditeur d'outils de développement) pendant 4 ans.
Il poursuit dans le consulting chez Forté Software (également
éditeur d'outils de développement) puis Sqribe Technologies
(éditeur d'outils de reporting et de création de portails).
Il occupe un poste de Responsable Avant-Ventes chez Commerce
One pour l'Europe du Sud depuis juin 1999.