Depuis son rachat par AOL, Netscape pouvait donner l'impression
d'être tombé en hibernation. Avec l'arrivée
du printemps, l'éditeur vient de mettre en ligne
la première beta version de Navigator
6, la nouvelle évolution (ou révolution)
de son browser. Remplie d'améliorations et de nouvelles
fonctionnalités, celle-ci pourrait aider Netscape
à regagner des parts de marché sur Microsoft.
Ce dernier vient d'ailleurs de présenter la version
5.5 d'Explorer dans la panique en réponse à
Netscape. A l'occasion de l'annonce majeure Navigator 6,
Jim Hammerly, responsable mondial du développement
de Navigator 6 chez Netscape, répond à
nos questions.
Propos recueillis le 7 avril 2000 par François
Morel
JI:
Quelle est votre stratégie autour de Navigator 6
?
Jim Hammerly : Le principe de notre browser de nouvelle
génération est de permettre aux internautes
de développer du contenu Web et de le distribuer
partout, sur les PC, les Mac, les nouveaux terminaux Internet
et les mobiles. Nous avons conclu des accords avec d'importants
fabricants d'ordinateurs et de terminaux comme Apple, IBM,
Gateway, Sony et Compaq, afin qu'ils intègrent Navigator
6 à leurs futures configurations en vente. Notre
objectif est de mettre à disposition du grand public
un contenu Internet à la fois plus riche et plus
efficace.
Pourquoi
tant d'acteurs montrent-ils leur intérêt envers
la technologie Gecko qui sert de base à Navigator
6 ?
Il
y a plusieurs raisons à cela. Gecko est un moteur
de taille très réduite, rapide et surtout
basé à 100 % sur des standards. Grâce
à lui, nous pouvons désormais proposer une
navigation avec un contenu encore plus dynamique. Les trois
aspects fondamentaux sont : plus d'interactivité
pour l'utilisateur, un contenu Internet plus riche, et la
possibilité pour l'internaute de naviguer de façon
complètement personnalisée.
De plus, cette technologie clef a été développée
en Open Source. Cela signifie qu'au delà des équipes
internes, des milliers de développeurs à travers
le monde ont eu accès au code source et ont participé
à l'élaboration du programme. Si Gecko est
disponible gratuitement en 40 langages, c'est d'ailleurs
grâce à l'engagement de cette communauté
en faveur de son développement.
Est-ce la raison pour laquelle
vous avez choisi le modèle Open Source ?
Oui, nous l'avons choisi pour bénéficier des
efforts collectifs de milliers de développeurs à
travers le monde. Mais aussi, nous voulions que cette technologie
puisse être intégrée dans les logiciels
des grands éditeurs qui ont participé à
la redéfinition de Navigator comme un meilleur produit.
Parmi
les nombreux standards supportés, il y a DOM qui
permet de créer du contenu dynamique. Est-ce un concurrent
de l'ASP de Microsoft ou de PHP-3 ?
C'est
un standard du W3C, le World Wide Web Consortium, qui définit
les normes d'Internet. DOM permet effectivement de créer
du contenu dynamique. Mais alors que ASP et PHP-3 sont des
technologies serveur, DOM est une technologie client comme
JavaScript et se lance donc directement sur le navigateur.
Cet aspect est important vis à vis de la présentation
dynamique, car l'affichage est plus rapide. L'objectif est
simplement d'obtenir une nouvelle présentation du
côté client en fonction des désirs et
des critères voulus. En plus, DOM fonctionne en mode
déconnecté et permet, par exemple, le calcul
de données sans retourner sur le serveur. Pour tous
ceux qui veulent fournir du contenu dynamique et interactif
dans leurs pages, cela améliore la vitesse des performances
Internet.
A
propos, avez-vous amélioré la vitesse d'exécution
dans Navigator 6 ?
Grâce
à Gecko, le logiciel est beaucoup plus rapide qu'avant.
Et en plus, la taille du nouveau browser correspond à
peu près à la moitié de celle de l'ancien.
En fait, Navigator 6 a été redessiné
pour prendre avantage des dernières technologies
logicielles. A titre d'exemple, l'une des autres améliorations
du produit est la traduction automatique des pages de leur
langue initiale vers celle demandée par l'utilisateur.
C'est une fonctionnalité que nous avons développée
avec Alis Technology, un éditeur canadien spécialisé
dans ce domaine. Cela rend le browser plus utile lors d'une
recherche de contenus à l'international.
Quelle
a été la contribution d'AOL aux développements
?
AOL
apporte deux choses importantes par rapport au produit.
Tout d'abord, nous utilisons Navigator 6 et Gecko en relation
avec beaucoup d'outils AOL comme ICQ et Compuserve. Ensuite,
nous bénéficions de leur force de vente directe
et indirecte.
Microsoft
vient juste d'annoncer après vous la disponibilité
de sa preview d'Explorer 5.5. Qu'est ce qui fera la différence
entre ces navigateurs ?
Je
pense que la différence se fera au niveau du support
des standards. Navigator 6 en reconnaît davantage
qu'Explorer. Il suffit d'aller visiter notre site Web pour
voir une comparaison entre les deux. D'autres fonctions
sont complètement spécifiques à Navigator,
comme My SideBar qui permet de fournir une information
personnalisée mise à jour en temps réel.
D'autre part, en dehors des Etats-Unis, nous avons mis l'accent
sur la sécurité. Enfin, Netscape 6 est beaucoup
plus petit en taille qu'Explorer 5.5.
Quels
moyens vous donnez-vous sur le plan marketing ?
Nous
allons lancer une campagne de publicité mondiale.
Nous avons aussi près de 5.000 partenaires qui
vont nous assister dans la distribution. Côté
support, notre stratégie pour Navigator 6 est de
l'assurer pays par pays. La qualité de service dépendra
probablement de la région ou du pays. N'oublions
pas que c'est un produit gratuit.
Allez-vous
lancer un Navigator pour les terminaux mobiles comme
les téléphones WAP et les PDA ?
Le WAP est un protocole pour diffuser
des pages sur des écrans de texte comme ceux des
mobiles. Comme nous prévoyons surtout d'améliorer
la qualité d'affichage de contenus plus riches,
ce n'est pas prévu pour le moment. Cela dit, nous
travaillons en ce moment avec Nokia et Intel sur de nouveaux
"set-top boxes" ou terminaux Internet pour la
maison.
Votre
site corporate semble surchargé en raison de multiples
téléchargements après votre annonce.
Avez-vous prévu de quoi y remédier ?
En plus du site Netscape, la beta
de Navigator 6 peut aussi être téléchargée
sur des serveurs FTP. Nous allons également proposer
le navigateur sur CD-Rom et dans les ordinateurs des constructeurs
avec qui nous avons signé des partenariats. Enfin,
pour l'instant, c'est une preview et pas la version finale.
Nous verrons bien alors...
Pouvez-vous
nous dévoiler quelques évolutions pour les
prochaines versions 6.5, 7.0... de Navigator ?
Nous n'annonçons rien pour
le moment, mais nous continuerons de faire en sorte que
la technologie Navigator 6 et Gecko soit disponible sur
de plus en plus de plates-formes. Pour l'instant, nous
sommes sous Windows, Mac OS, Linux et de nombreux Unix.
En attendant la version finale de Navigator 6 prévue
pour la fin de l'été ou le début
de l'automne, la prochaine préversion intègrera
la technologie Skins qui permet à l'utilisateur
de changer l'apparence de son interface graphique.
Avant
de devenir vice-président chargé du développement
des produits clients, Jim Hammerly a rejoint Netscape
en juin 1997 lors du rachat de DigitalStyle Corporation
dont il était le dirigeant et co-fondateur. Auparavant,
il occupait le poste de vice-président chargé
de l'ingéniérie chez Pages Software Inc,
l'éditeur de l'outil de publication HTML WebPages.
Marié et père de 4 enfants, Jim Hammerly
a commencé sa carrière chez Xerox où
il a travaillé pendant 15 ans.
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