Forte aujourd'hui d'une équipe de 65 personnes,
Mediapps a été fondée en avril 1999
par Laurent Binard, Didier Rochereau et Bertrand Peralta.
La société, qui se définit à
la fois comme un éditeur de logiciels spécialisé
dans les portails et un infomédiaire, compte actuellement
trois filiales en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne,
et une Business Unit internationale qui couvre, depuis Paris,
l'Europe du Sud et le Benelux. Après un an d'existence,
le bilan de Mediapps apparaît plutôt positif.
De 4 millions de francs sur les 6 derniers mois
de 1999, son chiffre d'affaires devrait passer à
20 millions de francs en 2000. La société
prévoit ensuite d'atteindre 64 millions de francs
en 2001 et 161 millions en 2002. En pleine croissance,
Mediapps fait preuve aujourd'hui d'une activité débordante,
que nous commente son P-D.G. Laurent Binard.
Propos recueillis le 30 mai 2000 par François
Morel
JDNet
Solutions: Comment vous positionnez-vous sur le marché
des portails ?
Laurent Binard : Nous avons fait réaliser
plusieurs études, notamment par Gartner Group, afin
d'obtenir une vue externe de notre position sur ce marché
qui est aujourd'hui extrêmement large. Le mot de portail
s'est complètement banalisé. A l'heure actuelle,
nous sommes à peu près le seul acteur en Europe.
Aux Etats-Unis, nous avons une quinzaine de concurrents
qui sont plutôt des éditeurs de logiciels et
qui ne jouent pas le rôle d'infomédiaires.
Depuis le démarrage de l'entreprise, nous avons cherché
à agréger l'information. Cela constitue pour
nous une différenciation majeure, notamment vis à
vis des grands groupes comme Sun ou IBM qui ont une vision
plus large des portails. Leurs outils intègrent,
en autres, des applications de middleware. Or, notre position
nous permet de cohabiter avec eux, et aussi d'offrir une
totale complémentarité par rapport à
leurs solutions.
Avez-vous signé des partenariats
avec ces grands éditeurs de logiciels ?
Aujourd'hui, Net.Portal fonctionne sur 3 plates-formes :
Java, Lotus Domino et Microsoft IIS. Pour la version Java,
nous avons développé des connecteurs spécifiques
pour tirer parti des serveurs d'applications comme ceux
d'IBM, BEA et iPlanet. Aujourd'hui, nous travaillons très
étroitement avec des éditeurs comme Lotus,
IBM, Microsoft et Sun avec lesquels nous intégrons
Net.Portal dans leurs propres infrastructures. Nos partenariats
sont à la fois technologiques et marketing.
Côté Outlook 2000, par exemple, nous gérons
les Digital Dashboard en environnement Microsoft, ce qui
permet d'avoir accès à l'ensemble des ressources
dans le logiciel de messagerie. Nous sommes en train de
développer des connecteurs avec les outils d'autres
sociétés comme Business Objects et SAP. Et
nous travaillons aussi sur un nouveau partenariat avec Cognos,
qui vient juste de démarrer. Il porte sur le développement
d'un connecteur pour intégrer les requêtes
décisionnelles directement dans le portail.
Qui
sont vos clients ?
Nous
réalisons aujourd'hui les deux-tiers de notre chiffre
d'affaires sur des intranets de grandes entreprises, et
un tiers sur des dot.com companies et des sites de médias
qui utilisent Net.Portal pour leurs portails Internet. Parmi
une centaine de clients directs, nous sommes présents
entre autres sur des intranets chez Aéroports de
Paris, Cegetel, Matra, Alcatel, EDF, etc. Du côté
des médias, nous avons Les Echos, Marketing Magazine,
ZDNet et IDG. Nous travaillons aussi pour des start-ups
comme Cyperus et Double Trade.
Pouvez-vous
donner quelques exemples d'utilisation de vos technologies
?
Elles
peuvent être très variées, pour des
applications telles que le portail commercial d'EDF. Tous
les matins, l'ensemble des commerciaux, environ 5.000 personnes,
ont accès à l'information commerciale et marketing
du groupe EDF. Certaines de nos applications font la part
belle à l'information externe, et d'autres se concentrent
sur l'interne. Chez France Télécom, nous sommes
présents avec deux portails, l'un consacré
à la veille, et l'autre du nom de Hyperpro. Ce dernier
est un portail interne de gestion de la connaissance pour
les 2.000 cadres dirigeants de l'opérateur.
De
quelle nature est votre contrat avec le groupe Pinault-Printemps-La
Redoute ?
PPR
utilisent pour l'instant Net.Portal sur un site pilote.
Nous espérons bien que cela sera étendu rapidement
à l'ensemble du groupe. C'est l'un des gros projets
sur lesquels nous travaillons actuellement. Nous sommes
aussi en train d'implanter des pilotes dans toutes les grandes
banques.
Sur
quels principes s'appuie votre business model ?
Il
se décompose en deux niveaux. Nous nous rémunérons
une première fois sur les licences de nos logiciels,
et une seconde fois par la vente récurrente de contenus.
Nous sommes commissionnés par les producteurs pour
vendre leur contenu. Ce Business Model original nous donne
une approche très agressive sur le plan commercial,
puisque la licence de Net.Portal ne coûte que 25.000 francs
par processeur, et non par utilisateur. Cela nous positionne
5 à 10 fois moins cher que le premier de
nos concurrents. Par rapport à des sociétés
américaines comme Viadoor, Plumtree et Epicentric,
nous cultivons trois différenciations, sur le fait
d'être multi-plates-formes, sur le prix et sur le
contenu. Aujourd'hui, nous agrégeons à peu
près 20.000 sources d'informations B to B.
Sans
partenariat, l'infomédiation ne pose-t-elle pas des
problèmes de déontologie ?
Aujourd'hui
existe déjà une charte pour la France, rédigée
par le Geste, le groupement des éditeurs de contenu.
Nous avons d'abord adhéré à cette charte,
et depuis hier nous sommes aussi membre de l'association.
Enfin, nous avons également publié notre propre
charte à l'attention des agrégateurs d'informations,
dans laquelle nous préconisons des clauses plus strictes
que celles recommandées par le Geste. Par exemple,
nous n'agrégeons pas une source sans avoir obtenu
son accord, et nous ne récupérons que les
éléments fondamentaux tels que le nom de la
production, l'auteur et la date. Quand l'utilisateur clique
sur un lien, le navigateur ouvre une nouvelle fenêtre
qui affiche directement la page chez l'éditeur.
Quel
est l'intérêt pour le producteur de contenus ?
Pour
les sources payantes à valeur ajoutée, nous
générons du business additionnel, puisque
notre business model repose sur le déploiement du
portail à grande échelle dans l'entreprise.
Cela permet au service d'information d'avoir plus d'utilisateurs
dans les grands groupes. Pour les sources gratuites, nous
générons du trafic additionnel en provenance
des serveurs intranet.
La
présentation des informations sur les mobiles est-elle
viable ? Que proposez-vous dans ce sens ?
Aujourd'hui, dans Net.Portal, on
peut diffuser n'importe quel type d'information sur n'importe
quel périphérique comme les navigateurs
internet, les e-mails, les clients intranet comme Lotus
Notes et évidemment aussi sur les PDA et les téléphones
mobiles en SMS ou en WAP. En SMS, nous ne fournissons
que le titre de l'information. Le document complet, quant
à lui, est disponible sur les mobiles WAP.
Aujourd'hui, la technologie fonctionne
mais est très peu utilisée pour la partie
WAP. Les assistants personnels sont beaucoup plus banalisés.
Il existe en effet très peu de périphériques
WAP.
Les entreprises sont intéressées par la
démarche, mais il est clair que ce n'est pas leur
priorité.
Prévoyez-vous
toujours une introduction en bourse pour la fin de l'année,
malgré la tourmente ?
Tout à fait. Nous avons recruté
un directeur financier de talent, François Bernard,
qui occupait auparavant le même poste chez l'éditeur
de jeux-vidéo Cryo. C'est lui qui a désormais
la charge de gérer notre introduction à
l'automne prochain. Le contexte ne nous effraie pas car
nous ne sommes pas une dot.com mais une start-up industrielle.
Nous réalisons plus de CA que nous dépensons
en marketing. L'image correspondant aux portails est celle
de la ruée vers l'or. Et nous, nous sommes les
marchands de pelles. Nous fournissons les armes pour les
entreprises qui veulent monter des portails intranet et
Internet. Même si le marché est fluctuant,
nous avons prouvé la viabilité de notre
business model et notre CA augmente de mois en mois.
Quels
sont les objectifs de cette introduction ?
Nous voulons lever des fonds et
nous attaquer au marché américain, plus
mature et plus concurrentiel que l'Europe. C'est pourquoi
aussi il nécessite un investissement plus important.
Nous travaillons en ce moment sur la manière dont
nous allons attaquer ce marché. Soit nous créerons
entièrement une filiale, soit nous procéderons
à l'acquisition de gens qui partagent la même
culture que nous au niveau technologique et business.
Allez-vous,
d'ici-là, procéder à des acquisitions ?
Nous travaillons effectivement sur
deux opérations de croissance externe, mais il
ne m'est pas possible de vous en dire plus pour le moment.
Il s'agira d'une acquisition de technologie complémentaire
à la notre, et d'une autre qui sera plus liée
aux ressources. Dans ce deuxième cas, l'objectif
sera de renforcer notre équipe de recherche et
développement.
Quelles
évolutions vont connaître vos solutions ?
Nous travaillons beaucoup dans les
domaines du Wireless (sans-fil) et de l'EAI (Enterprise
application integration ou l'intégration entre
les applications). Nous élaborons en ce moment
des technologies qui permettent d'entrer directement son
profil sur un mobile WAP ou un assistant personnel. Dans
le domaine de l'EAI, nous allons développer des
connecteurs pour des solutions encore plus spécifiques
comme l'outil HRAccess d'IBM pour la gestion des ressources
humaines, et l'application d'automatisation de la force
de vente OverQuota d'IBM également.
Avant
de rejoindre Mediapps en tant que co-fondateur et président-directeur
général, Laurent Binard a auparavant
assumé la fonction de directeur marketing de Lotus
en France, puis du groupe IBM pour l'Europe de l'Ouest.
A ce titre, il a participé activement au lancement
de Lotus Notes/Domino dans l'Hexagone.
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