L'an 2000 semble être un bon cru pour les éditeurs
de logiciels. Lotus, qui ne coupe pas à la règle,
s'apprête à commercialiser bon nombre de solutions
cette année en rapport avec sa nouvelle stratégie.
L'éditeur hier spécialisé dans la messagerie
et le groupware devient de plus en plus un grand généraliste
du logiciel au même titre que des sociétés
comme Computer Associates ou Corel/Inprise. Michel Bensadoun,
directeur général de Lotus pour la région
France, dévoile la stratégie de Lotus pour
l'année 2000.
Propos recueillis le 23 mars 2000 par François
Morel
JI:
Comment devient-on "manager de l'année"
chez Lotus ?
Michel Bensadoun : En faisant de la croissance et
de la part de marché. En France, nous représentons
60 % du marché de la messagerie et du groupware,
et nous avons réussi à dépasser le
cap de 2,6 millions d'utilisateurs. Au cours du dernier
trimestre 1999, nous avons totalisé 500 000 licences.
En deux ans, nous avons ainsi doublé nos revenus
et nos effectifs, et nous avons atteint les objectifs de
profitabilité demandés par l'Europe.
Quelles
sont, selon vos clients, les raisons du succès de
votre plate-forme Domino/Notes face à Exchange de
Microsoft ?
Le
retour que nous avons est très positif. Nos clients
apprécient que nous soyons ouverts sur les standards
Internet, et que nous répondions à un certain
nombre de problématiques comme le fait d'éviter
de devoir changer les outils des utilisateurs. Beaucoup
de nos clients ont migré de Exchange à Domino.
Nous avons fait réaliser une étude sur la
fidélité des dirigeants à leurs solutions,
sans leur dire qu'elle
était commandée par Lotus. 65 % des personnes
ayant choisi Exchange ne referaient pas forcément
ce choix aujourd'hui. D'une part, avec
cette infrastructure, elles sont limitées à
la messagerie. De l'autre, beaucoup ont été
refroidies par les difficultés de déploiement.
Là où nos concurrents ont tendance à
banaliser la messagerie, nous proposons une ouverture beaucoup
plus grande vers des outils de communauté et de Knowledge
Management.
Quels sont les besoins exprimés
par les entreprises en matière de Knowledge Management
?
C'est le partage de la connaissance pour améliorer
l'efficacité des managers dans leurs prises de décision.
Mais les entreprises ont essentiellement recours au knowledge
management pour pallier à trois éléments
qui les gênent et qui jouent sur leurs résultats.
Tout d'abord, la disparité de la connaissance dans
les organisations aboutit souvent à réinventer
la roue, ce qui représente une perte de temps et
d'énergie. Ensuite, le fait d'être noyé
sous trop d'informations rend le processus de décision
mauvais et surtout trop long. Enfin, la diffusion trop lente
de l'innovation affecte essentiellement les marges et le
cycle de mise sur le marché des biens et services.
En 1999, le coût moyen par employé de l'absence
de politique de gestion des connaissances a été
évalué à 5 000 dollars par
IDC. En 2003, ce chiffre, qui croît en même
temps que la taille de l'entreprise, devrait s'élever
en moyenne à 5 850 dollars.
Comment
répondez-vous à ces besoins ?
Nous
apportons une solution, dont le nom de code pour l'instant
est Raven. Il s'agit d'un portail de KM basé sur
l'infrastructure Domino/Notes, et qui propose de nouvelles
fonctionnalités autour de Domino telles que Expertise
Locator pour la gestion des ressources en fonction des profils
et expertises des individus. Un second moteur, Content Discovery,
se charge d'inventorier et de catégoriser les contenus
qui existent dans le système d'information. Nous
répertorions donc les compétences et les connaissances
des individus en même temps que les contenus.
Proposez-vous,
comme Autonomy, des moteurs de reconnaissance de concepts
?
Cela
fait partie de la technologie Raven que nous allons mettre
sur le marché cet été, à l'intérieur
du module Content Discovery qui repose sur des technologies
Lotus, IBM et Xerox. Nous avons emprunté à
IBM leurs techniques de "clusterisation" à
la Autonomy sur 22 langues, tout en intégrant
les technologies de résumé de documents en
14 langues développées par la filiale
Inxight de Xerox basée en France. Cet outil très
performant, qui sera donc dès le départ multilingue,
fonctionne comme un "crawler" permanent qui passe
son temps à analyser des contenus.
Lotus
était connu auparavant comme un acteur majeur du
marché du groupware. A présent, êtes-vous
une entreprise de Knowledge Management ?
Notre
véritable challenge est de sortir de l'image d'une
société monoproduits. Au départ, Lotus
a commencé avec 123 puis Notes. Maintenant, nous
sortons de cette ornière avec une pléthore
de produits sur 5 champs technologiques qui correspondent
à notre réorganisation en 5 business
units. Il s'agit de Messaging & Collaborative Infrastructure,
Knowledge Management, e-business, Distributed Learning et
Hosting Applications. Nous avons aussi une structure Lotus
Professional Services qui assure le conseil, la formation
et le support grâce à 800 collaborateurs
en Europe dont 100 en France.
Vous
venez de sortir Domino sous Linux. Allez-vous confirmer
ce choix vis-à-vis de vos autres solutions ?
L'axe
Linux est confirmé pour Domino, une seconde version
devant arriver sur le marché cette semaine. Une grande
partie de nos équipes de développement pensent
porter le reste de notre offre sous Linux. Cette stratégie
n'est pas unique car notre maison-mère IBM fait également
migrer ses technologies sous cet OS. En ce qui concerne
Raven, son infrastructure repose sur Domino, la base de
données DB2 d'IBM qui existe aussi en version Linux,
et Sametime, une technologie de collaboration syncrone en
temps réel de type "chat" (discussion en
direct). Il ne nous reste plus qu'à convertir Sametime
pour que Raven puisse aussi exister sous Linux.
Quelles
sont vos prochaines orientations technologiques ?
Elle
correspondent aux 5 segments que nous avons déjà
cité. En plus de Raven, beaucoup de nouveautés
se préparent sur Domino, comme l'utilisation massive
d'XML pour pouvoir relier la plate-forme à d'autres
contenus et échanger des données sans disposer
de connecteur spécifique. Dans le courant du prochain
trimestre, nous allons annoncer la refonte et l'intégration
de nos outils d'enseignement à distance. Nos deux
produits Learning Space Forum et Learning Space Live n'en
feront plus qu'un, dont le nom de code provisoire est Athena.
Sur la messagerie unifiée, nous passons des accords
avec Nokia et Ericsson pour l'intégration du WAP
à Domino. Enfin, côté e-business, nous
allons lancer la 2ème version de QuickPlace qui permet
de créer des espaces de collaboration sur le Web
en quelques minutes. Les départements informatiques
raffolent de ce formidable candidat pour les ASP car c'est
l'utilisateur qui paramètre lui-même son environnement.
Proposez-vous
vous-même une offre de type ASP (application service
provider) ?
Elle
correspond à notre 5ème segment Hosting
Applications. Notre socle, composé de Domino
Instant Host et Intercommunity, est le fractuel qui nous
permet de proposer la quasi-totalité des applications
Domino de Lotus et de ses partenaires à la location
en ligne. Cette offre va bientôt être renforcée
par ASP Solution Pack prévu pour la fin du prochain
trimestre. Beaucoup de nouveaux outils seront disponibles,
dont QuickPlace et le serveur d'applications WebSphere d'IBM.
Après
2 années consécutives d'excellents résultats,
Michel Bensadoun, directeur général
de Lotus Région France, vient d'être désigné
"manager de l'année" par Lotus Development
Corporation. A cette occasion, la Région France
dont il a la charge prend sous sa coupe la Belgique et
le Luxembourg.
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