Au dernier trimestre 1999, Macromedia a fusionné
avec Andromedia. Avec ce spécialiste des solutions
de marketing one to one Internet, Macromédia
s'oriente enfin vers les grands comptes. Peu après
était d'ailleurs annoncé le développement
d'une infrastructure e-business qui laissait une place
importante au profiling et à la personnalisation,
les deux domaines de prédilection d'Andromedia.
Comment les deux partenaires comptent se différencier
de la concurrence sur ce nouveau marché? Quels
sont leurs atoûts? Quelle vision ont-ils de
l'évolution des sites d'e-commerce ? A
l'occasion de leur passage en France, Brian Allun
et Kent Godfrey répondent à ces interrogations
et nous éclairent sur l'avenir de Macromedia
en ce début d'an 2000.
Propos recueillis le 27 janvier 2000 par Christophe
Dupont
JI:
En fusionnant avec Andromedia à la fin de l'année
dernière, quel est votre objectif principal ?
Brian Allun: Pour Macromedia, il s'agit très
concrètement de combiner le savoir-faire de
notre société en matière de design
de sites avec des outils qui sont massivement utilisés
par les professionnels avec les technologies et les
solutions en matière de profiling, de personnalisation
d'Andromedia.
Kent Godfrey: Cette combinaison permettra aux sociétés
de disposer d'une solution complète d'e-Marketing,
intégrant verticalement toutes les composantes nécessaires:
de la composition d'un site web dynamique à la gestion
de son contenu et à la personnalisation, le suivi
du client, sa traçabilité. Seul ce type de
sites web garantit désormais un retour sur investissement
satisfaisant pour les entreprises.
Le
projet Whirldwind, une de vos premières réalisations
communes est très proche de Vignette par exemple.
N'arrivez vous pas trop tard sur ce créneau ?
Brian
Allun: Vous savez Macromedia possède désormais
une forte technologie et une place de leader. Mais
lorsque nous avons attaqué le marché
des outils de design, nous n'étions pas les
premiers. Les compétiteurs étaient déjà
en place. Nous savons pertinemment que pour réussir
dans ce domaine, il faut être les premiers.
Ce qui signifie que pour réussir nous avons
été les premiers à proposer une
solution nouvelle, wysiwig (what you see is what you
get, ndlr), différente de toutes celles
que proposaient nos concurrents. Notre atoût
fût alors de nous adresser directement au public
des développeurs et de répondre à
leurs attentes. Par exemple, tous les produits disponibles
alors modifiaient le code source entré manuellement
par les développeurs, Dreamweaver a
été le premier à ne pas toucher
à ce code.
La situation présente est assez similaire:
il existe des solutions de gestion de contenu sur
le marché. Mais nous croyons fermement, après
en avoir discuté avec nos clients, que ces
solutions peuvent être améliorées.
Il est possible de créer la prochaine génération
de solution, une solution pensée de la façon
dont le Web sera dans le futur et non pas juste une
solution qui supporte et permet ce que le Web est
actuellement. Il y a des oppportunités pour
sortir une solution qui sera très compétitives,
ce ne sera pas un clône de Vignette, mais un
produit qui permettra de créer les sites Web
les plus dynamiques et sophistiqués qui soient
dans le monde.
Quel
sera le coût de cette solution ?
Brian
Allun: Le projet Whirlwind étant en phase
de développement, nous n'annoncons pas le coût
définitif qui n'est pas encore établi.
Mais ce type d'outils s'adresse à des entreprises
qui sont préparées à des investissements
significatifs dans un marché sur lequel la
compétition est très acharnée.
Pour
revenir au profiling, à la personnalisation, quel
est le taux d'utilisation aux Etats-Unis de ces techniques ?
Kent
Godfrey: Le taux d'adoption d'une solution de
personnalisation et profiling comme Likeminds a en
fait réellement explosé depuis 3 à
6 mois. Nous avons 45 grands clients à l'heure
actuelle. Les choses s'accélèrent désormais
très vite et les entreprises ont compris qu'elles
ne peuvent pas laisser de côté ce type
d'outils pour leur site.
Quelle
sorte de sites ont besoin de solutions de personnalisation ?
Kent
Godfrey: Toute entreprise dont le business model accorde
une place très importante à la nature des
relations qu'elle lie avec ses clients. Si ces entreprises
souhaitent pérenniser cette relation, l'optimiser,
elles doivent particulièrement soigner leur site.
Un site de commerce électronique à ce niveau
ne peut se contenter de proposer un catalogue de produits
à consulter online comme vous le feriez d'un catalogue
papier. Il faut optimiser l'expérience et la connaissance
que vous avez du client.
Pensez
vous que la France est en retard dans ce domaine ?
Brian
Allun: Oui mais ce retard n'est pas particulier à
la France, c'est particulier à l'Europe, celà
tient aux infrastructures et à divers facteurs économiques.
Le retard en général sur le secteur de l'Internet
s'est toutefois considérablement réduit pour
n'être plus que de 6 à 9 mois.
Ne
pensez vous pas que le profiling risque de faire fuir les
consommateurs des sites l'utilisant, par peur des problèmes
de confidentialité, par besoin de respect de la sphère
privée ?
Brian
Allun: Le problème du respect de la vie
privée est en effet une considération
primordiale. Mais ce ne sont pas nos technologies
qui va remettre en cause celà. C'est la responsabilité
des sites Internet, des entreprises de respecter une
certaine déontologie. User des solutions de
profiling sur un site sans en avertir le client est
l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. L'internaute
doit seul décider s'il souhaite fournir les
informations qui seront nécessaires et utiles
pour un profiling et une personnalisation. L'entreprise
doit lui faire comprendre l'opportunité pour
lui de confier ces informations, l'intérêt
qu'il en tirera dans la consultation du site et dans
les services que pourra lui fournir l'entreprise.
En dernier recours, c'est au client de décider
s'il participe ou pas à ce processus.
Kent Godfrey: Et n'oubliez pas que les informations
que nous avons besoin, avec Likeminds par exemple,
pour le profiling ne sont pas votre nom, votre téléphone,
votre numéro de téléphone, le
nom de votre fille, etc. Toutes les informations particulièrement
sensibles que naturellement nous rechignons tous à
divulguer. Nous nous intéressons en fait à
vos goûts, à ce que vous aimez, ce que
vous n'aimez pas, ce que vous préférez.
Ce ne sont pas des informations qui peuvent être
utilisées de manière inappropriée.
Vous participez au CPEX (Customer Profile EXchange), un
consortium souhaitant établir un modèle concernant
le profiling. Une entente est-elle possible au sein d'un
groupe réunissant de tels concurrents: Siebel, Vignette,
Genesis... ?
Kent Godfrey: La compétition est la nature
même du business. C'est une alliance nécessaire
pour définir ce que sera le profiling à l'avenir,
dont chacun d'entre nous tire avantage.
Le
CPEX mise sur le XML, pensez vous que c'est LA solution
?
Kent Godfrey: Absolument, il est nécessaire
d'avoir un standard commun, à chemin entre les possibilités
désormais limitées de l'html en regard des
demandes du marché de l'e-business et les solutions
professionnelles de profiling et personnalisation telles
celles que nous développons.
Allez
vous développer un nouveau produit XML ?
Brian Allun: Pas dans l'immédiat dans
la mesure où Dreamweaver dispose déjà
de fonctions XML [dans la version 3, ndlr].
Vous
avez signé une alliance avec BroadVision pour l'intégration
mutuelle de vos technologies, qu'en est il ?
Brian Allun: Nous sommes tous deux partenaires de
longue date. BroadVision revend déjà une version
customisée de Dreamweaver 2 pour sa suite d'applications
one-to-one. Ce dernier accord a pour but de permettre à
l'infrastructure que Macromedia souhaite mettre en place
d'être présente à tous les stades du
cycle de l'e-business. Nous sommes présents au niveau
du design avec Dreamweaver, Fireworks, Flash, etc, au niveau
de la production avec le projet Whirlwind, de la personnalisation
avec Likeminds. La suite d'applications one-to-one de BroadVision
sera la première plate-forme d'intégration
de notre infrastructure e-business.
Si
aujourd'hui Macromedia devait racheter une société,
elle serait de quel type ?
Brian Allun: Nous devons bouger vite sur un
marché de plus en plus compétitif. Il
n'est pas nécessaire à l'heure actuelle
pour nous d'acquérir quoique ce soit. Mais
si une société pouvait nous apporter
un avantage décisif pour aller plus vite dans
nos développements, dans notre stratégie,
nous ne laisserions certainement pas passer l'opportunité.
Brian
Allun est diplômé de la Queens University
de Montréal, Québec. Il débute
sa carrière en occupant divers postes de management
et de ventes chez Silicon Graphics, rejoint Alias
en 1991 avant que cette société devienne
une des filiales de ce constructeur. Il prend la direction
de cette filiale en 1996. Au sein de Macromedia, il
occupe les fonction d'executive vice president et
chief operating officer.
Kent Godfrey a occupé de nombreux postes chez
Sequent Computer Systems avant de rejoindre IA Corp,
un fournisseur de solutions personnalisées.
Il quitte cette société pour intégrer
en janvier 1996 Andromedia, à la création
de cette société. Au sein d'Andromedia,
il est chairman of the board et chief executive officer.