L'essor du mouvement Open Source a favorisé l'émergence
des prestataires spécialisés. Parmi eux, IDEALX,
une SSII française, née en mars dernier (voir
article) souhaite s'imposer comme le pôle européen
d'ingénierie open-source. Elle se positionne face
à Alcôve
qui existe depuis près de 3 ans. Après un
premier tour de table de 6 millions de francs, IDEALX dresse
le bilan de son activité en forte croissance. Au
programme, open source dans les systèmes embarqués,
architecture et sécurité Internet. Les fondateurs
relatent également leurs premiers partenariats établis
avec Silicon Graphics et MandrakeSoft. IDEALX dispose d'une
force vive de 60 ingénieurs"de l'autodidacte
passionné au profil Normal Sup" et compte réaliser
un CA de 30 millions de francs pour son premier exercice.
Propos recueillis le 26 juillet 2000 par Alexandra
Bissé
JDNet
Solutions : Quelle est votre définition d'une SSII
dédiée au logiciel libre ?
Nat Makarevitch et Paul Guillet : Notre activité
porte sur l'ensemble des logiciels dont le code source est
ouvert. Nous préconisons ces composants auprès
de nos clients selon leurs besoins. Et ce autour des trois
familles de produit que sont les systèmes d'exploitation
(Linux et BSD : Berkeley System Distribution), bases de
données (Postgres et mySQL) et les serveurs Internet
(Apache). Nous nous positionnons davantage sur l'ingénierie
que sur l'intégration car notre valeur ajoutée
se situe à ce niveau. Nous nous voulons réellement
prestataire contributeur de l'Open-Source et pas seulement
assembleur de briques existantes (développement d'API
ad hoc et applicatif).
Cette
spécialisation n'est-elle pas un pari risqué
par rapport à la maturité du marché
?
Je
ne pense pas que nous prenions de risque car l'Open Source
est sous tendu par une dynamique très forte.
Les entreprises ont une volonté réelle de
poursuivre le déploiement de l'Open Source dans leur
structure. Je dis bien poursuivre car bien souvent leur
infrastructure de base est pétrie d'Open Source (services
d'ordinateurs à ordinateurs tels que les services
de fichier, les serveurs d'impression ou les machines de
développement). Aujourd'hui, on évolue vers
des utilisations de second niveau qui concernent l'embarqué
par exemple l'Internet mobile. Cela peut prendre la forme
de boîtiers isolés permettant de délivrer
des messages divers et variés, des systèmes
de contrôle à distance d'automates ou bien
encore des bornes de présentation. Le constructeur
de téléphonie mobile Ericsson est d'ailleurs
très friand de technologie Open Source. Par sa modularité
elle permet
un développement logiciel adéquat sans ressource
supplémentaire. Peu à peu, l'Open Source est
tiré vers le haut et chemine vers les couches applicatives.
On commence à revamper des applications existantes
sur du client léger Linux.
Quelle segment de votre activité
connaît la plus forte croissance ?
Notre activité se décompose à l'heure
actuelle à 70% pour l'ingénierie et 30% pour
l'intégration. La première concerne principalement
le développement à façon de logiciels
(ndlr : à noter que l'industrie du logiciel libre
manque cruellement d'applicatifs verticaux ; les principales
applications existantes sont à des fins purement
techniques ou scientifiques). Nous avons ainsi mis au point
une application sur matériel embarqué pour
délivrer des messages audio dans des points de vente
à distance. Par ailleurs, nous avons mené
un projet de haute disponibilité consistant à
développer une couche logicielle sur les serveurs
pour optimiser la distribution de charge et donc la fiabilité.
Le second volet porte sur les projets Internet, évidemment
qui constituent le gros de la demande. Tant au niveau de
la sécurité (firewall, PKI...) que du déploiement
de l'architecture sous jaçente (Apache et services
associés tels que chat, forum...)
Comment
vous intégrez-vous dans l'existant de l'entreprise
?
Nous
essayons lorsque c'eet possible de remplacer l'existant
par du tout open-source en migrant les systèmes.
Néanmoins dans certains projets, compte-tenu de l'existant
et face à des besoins pointus nous sommes amenés
à nous interfacer avec des environnement propriétaires.
Il faut reconnaître que tout ce qui touche au front
est plus délicat. Il nous est parfois impossible
de nous connecter avec certains logiciels métier.
L'Open-Source n'est pas capable d'approcher certains segments
fonctionnels... pour le moment. A terme on imagine que les
utilisateurs dans un soucis d'interopérabilité,
contraindront les éditeurs à fournir un format
d'échage. XML semble être un premier élément
de réponse. L'Open-Source aura alors une importante
carte à jouer dans la mesure où l'om pourra
greffer des applicatifs sur un bus commun d'informations.
Mais pour le moment, les architectures 100% open source
sont illusoires face à ces limites fonctionnelles.
Vous
avez d'ailleurs développé une réponse
en interne à cette problématique fonctionnelle
?
Effectivement,
tous nos ingénieurs (une quarantaine) dédient
un quart de leur temps au développement logiciel.
A ce titre, nous avons entre autres entrepris le développement
d'un bus de données normalisé pour les éditeurs.
Nous leur fournirons l'API qui leur permettra
de livrer des logiciels qui pourront se passer d'interfaces
spécifiques. Le dépôt de données
et l'accès aux données
des logiciels se fera sur ce bus universel qui gèrera
également la sécurité, les droits d'accès
et la sémantique informatique.
Quels
autres développements logiciels préparez vous ?
Quand les diffuserez vous ?
Nous
menons environ 5 projets de front. Les premiers, sur lesquels
on devrait communiquer en septembre en sont au stade du
prototypage. Ainsi, nous préparons un développement
dans les couches plus basses, relatif au CTI (couplage Téléphonie/Informatique)
: intégration de son clavier téléphonique
sur son ordinateur, boîte vocale, traitement automatique
des appels entrants... Cet outil sera un bon exemple de
démonstration de nos compétences à
la lisière de l'informatique et des télécommunications.
Quels
sont à l'heure actuelle vos clients ?
Nous
disposons d'une cinquantaine de clients qui sont à
60% des dot.com, le reste concernant des projets grands
comptes. Tendance qui devra s'inverser d'ici quelques mois.
Les dot com sont une réelle opportunité commerciale
pour nous (1/3 des serveurs tournent actuellement sous Linux)
: de l'hébergeur d'accès au site marchand.
On peut citer par exemple le site de communautés
Respublica
qui a fait appel à nos services pour l'intégration
de son système mais aussi pour l'élaboration
de petits développements à façon pour
la sécurité. Nous avons également dans
la foulée réalisé l'annuaire de pages
perso du grand frère LibertySurf.
Du côté de l'administration publique qui ne
représente pas une masse de projets importante comme
on l'entend souvent (délais de décision assez
long), nous avons opéré la migration des serveurs
de l'armée de terre sous Linux (ndlr : distribution
Debian).
Quelle
liens entretenez vous avec les éditeurs et les constructeurs
? Existe-t-il des partenariats spécifiques ?
Un
premier partenariat, qui sera officialisé dans les
semaines à venir, vient d'être conclu avec
le constructeur Silicon Graphics qui souhaite construire
50% de son CA autour de Linux. Ce constructeur spécialisé
dans les stations graphiques et les applications serveurs
(CAO/DAO et 3D) offrira désormais, grâce à
notre soutien, des solutions complètes à ses
clients en matière d'Open Source (ndlr : cet accord
permettra à IDEALX d'approcher de plus près
une clientèle de grands comptes en fournissant l'intégration
et la maintenance des équipements de SGI). Cette
entreprise s'est d'ailleurs dirigée très tôt
dans cette voie avec le développement du logiciel
XFS.
Par ailleurs, nous allons nous rapprocher étroitement
de Mandrake
: nous assurerons pour eux des services plus élaborés
autour de leur distribution. Nous avons d'ailleurs gagné
ensemble un projet d'intranet pour le compte du Ministère
de la Culture. Enfin, nous développons des partenariats
avec de grands groupes industriels tels que France Télécom
ou Alcatel pour marketer ensemble leurs produits et proposer
des solutions en bundle à leurs clients (customization
de logiciel).
Paul
Guillet, 29 ans, est cofondateur et CEO d'IDEALX SAS.
Recruté comme ingénieur d'affaires chez GETEK, premier
constructeur français d'ordinateurs sous Linux, il y découvre
dès 1995 le monde Linux, alors à ses balbutiements. En
1996, il devient gérant de la société Les Logiciels du
Soleil/KHEOPS, représentant exclusif de Red Hat Software
en France.
Nat Makarevitch, 32 ans, est cofondateur et CTO/COO d'IDEALX.
Acteur et promoteur des programmes Open Source dans le
monde francophone depuis 1991, il participe à divers développements,
fonde et gère les sites www.linux-france.org (premier
portail francophone sur Linux en termes de fréquentation)
et www.ikarios.fr. En 1997, les Editions O'Reilly le nomment
directeur technique. Il assure entre autres la mise en
place de l'informatique et édite plusieurs ouvrages techniques
traitant de logiciels Open Source.
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