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Pierre
Malingrey
Responsable
de l'offre e-logistique
Himalaya
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La
logistique d'un marchand en ligne est une stratégie à
part entière, s'accordent à déclarer tous
les experts. Au même titre qu'une stratégie marketing,
les sites doivent définir une offre logistique et des
processus industrialisés pour gérer les livraisons
aux clients. Internaliser ? Externaliser ? Sur quels critères
construire sa chaîne logistique ? Autant de questions
sur lesquelles Pierre Malingrey, qui capitalise une expérience
de près de 4 ans dans la logistique pour la VPC, nous
apporte ses conseils avisés.
Propos recueillis le 18 août 2000 par Alexandra
Bissé
JDNet
Solutions : Quels sont les critères à prendre
en compte pour définir sa e-logistique?
Pierre Malingrey : Le premier impératif consiste
à rester cohérent avec sa stratégie marchande.
Il n'existe pas de recette miracle à appliquer indifféremment
à chaque marchand. Ainsi la première étape
consiste à définir une gamme de services logistiques
en fonction du profil de sa clientèle, du panier moyen
ou encore de la marge moyenne réalisée sur les
ventes.
On ne peut pas enfermer tous les acheteurs dans un même
schéma. Il est donc indispensable de ratisser le plus
large possible en proposant "un catalogue" d'offres
logistiques allant de l'express en quelques heures à
la solution économique sur plusieurs jours.
Le deuxième critère incontournable reste le prix.
On estime qu'un cap psychologique se situant aux alentours de
8 à 10% du prix du panier ne doit pas être dépassé.
Cette notion est à nuancer selon la marge faite sur le
produit.
Enfin, il faut définir les fonctions à mettre
en place côté front office (catalogue de navigation
entre les différentes offres logistiques, outil de tracking...)
et back office (interface de suivi des commandes...).
Il
est assez courant d'observer que les livraisons sont effectuées
à perte pour le marchand. Est-ce une erreur ?
Effectivement
le coût logistique réel est souvent supérieur
au coût de facturation effectif du client. Ce qui n'est
pas un non-sens économique et s'inscrit davantage comme
un investissement pour gagner des nouvelles parts de marché.
Certains sites considèrent la logistique comme un véritable
avantage concurrentiel. Comme je l'ai dit précédemment,
il faut ensuite tenir compte de la nature des marges réalisées.
Les produits à très faible marge devront éviter
les prestations haut de gamme hors de prix, par exemple.
Vous évoquez par ailleurs
les fonctions à disposition des acheteurs et vendeurs.
Quel rôle joueront les plates-formes logistiques que
l'on voit apparaître dans ce domaine ?
Côté back-office, ces plates-formes (ndlr : type
Shipvision,
Equod...)
s'avéreront précieuses pour le suivi des commandes.
J'entends par-là, la détection d'anomalies et
le push d'alertes en direction des gestionnaires logistiques.
Leur rôle s'apparente essentiellement pour l'instant
à du "multiprises". C'est à dire plugger
un bouquet de fournisseurs à un site, facilitant tout
le processus d'intégration.
Néanmoins dés que le volume de commandes dépasse
un certain seuil, leur service devient très vite non
rentable (commission à chaque transaction). Leur avenir
passe donc par la mise en place de systèmes informatiques
générant des signaux d'alerte sur les 3% de
commandes à problème, évitant ainsi au
gestionnaire de vérifier code barre par code barre
l'ensemble de ses livraisons. Ce service s'inscrit dans la
nécessité d'anticiper pour prévenir les
clients en cas de retard et rassurer à tout prix.
Dans
le débat internaliser / externaliser, quelle
solution préconisez-vous ?
On
ne s'improvise pas logisticien et je recommande en général
d'utiliser le savoir-faire et l'expertise des prestataires
qui capitalisent souvent plusieurs dizaines d'années
d'expérience.
De toute façon, passer un certain volume de commandes,
la gestion devient très périlleuse (erreurs
dans le picking, problème de vols...). L'enjeu consiste
à savoir comment externaliser en choisissant les bons
prestataires. L'idée est de toute façon d'avoir
un seul et unique prestataire logistique à proprement
parler (1 stock unique, multiplier les sites est très
risqué ). Par ailleurs disposer de 4 à 5 transporteurs
différents est une bonne moyenne. Le stock doit se
trouver majoritairement chez le logisticien, excepté
pour les produits à faible rotation qui pourront être
traités en cross-docking et commandés chez le
fournisseur.
Quelle
est votre vision du marché des prestataires ?
Plusieurs petits acteurs ont eu la chance d'être
des first movers et de réellement proposer une
offre adaptée au monde de l'e-commerce.
Néanmoins, une structure de moins de 50 personnes ne
pourra jamais concurrencer des géants tels que les
stockeurs Publi-trans ou Eurodispatch, capables de gérer
plus de 100.000 références et des dizaines de
milliers de colis par jour. Ces acteurs vont proposer des
offres spécifiques et industrialiser leurs processus.
Du côté des transporteurs, l'offre est pléthorique
pour le BtoB. C'est plus simple effectivement, on est toujours
assuré de trouver une personne pour réceptionner
les colis. En BtoC, les prestataires se cherchent pour trouver
des solutions. Les solutions-relais type La Redoute sont actuellement
expérimentées. Néanmoins, ce dispositif
va un peu à l'encontre de la logique "on commande
et on est livré dans son salon"...
Une première solution passerait par l'éducation
de l'internaute : donner une adresse de livraison pertinente,
un voisin qui ne travaille pas, un parent à la retraite...
Le problème de ces prestataires à l'heure actuelle,
qui disposent néanmoins de toutes les cartes pour s'imposer,
réside aussi dans leur système informatique
peu adapté pour répondre aux exigences de temps
réel de livraison (ndlr : système
de batch sous EDI et encore peu d'interfaces Web).
Que pensez-vous de la livraison
sur rendez-vous pratiquée par e-liko ?
Le rendez-vous oblige le livreur a gérer
chaque colis au cas par cas et ne permet plus à une livraison
de s'insérer dans une tournée standard . Cela augmente considérablement
le cout de la ivraison et est à mon sens réservé aux paniers
à forte valeur qui dégagent une marge commerciale suffisante
pour financer ce type de prestation. (ndlr : e-liko assure
effectuer des livraisons comprises entre 50 et 100F).
Quels
sont les acteurs les plus prometteurs selon
vous ?
A
mon sens, trois réseaux de distribution semblent très
prometteurs.
Le premier reste incontestablement La Poste. Avec 17.000 bureaux
de poste en France, elle dispose d'un maillage très
fin qui constitue le meilleur réseau de relais qui
soit. La création il y a quelques mois d'une direction
du commerce électronique (DCE) constitue une énorme
force en BtoC.
Plus underground, deux autres réseaux prometteurs émergent.
Tout d'abord Mondial Relay, le réseau de distribution
privé de 3 Suisses. Capable de gérer jusqu'à
30 millions de colis par an, il a vocation à servir
d'autres enseignes VPC et demain d'e-commerce... Dans le même
esprit, on trouve Distrihome, la filiale de transport d'Yves
Rocher. Ces deux réseaux BtoC sont les seuls à
pouvoir concurrencer la Poste. Par ailleurs, ne disposant
pas de bureaux de poste, ils réalisent un meilleur
taux de placement des colis (même si cela nécessite
un deuxième passage, celui-ci est gratuit).
Diplômé
de HEC, Pierre Malingrey est fondateur d'une société de livraison,
Cityporte, qui a mis en place la livraison privée des 8 enseignes
du Groupe 3 Suisses à Paris (3 Suisses, Blanche Porte, Berger
du Nord, Vitrine Magique, Club des Créateurs de Beauté etc...).
Il s'est également chargé de cette problématique pour
Yves Rocher et Quelle, toujours dans Paris. Enfin, il a organisé
la livraison des Pages Jaunes de France Télécom. Il a rejoint
Himalaya en mai dernier pour créer et développer le pôle de
compétences e-logistique. Himalaya a créé le Label
Plug & Deliver qui regroupe les acteurs de référence de la
logistique. Des réunions régulières sont organisées
pour échanger sur les attentes du marché et les nouvelles
offres des prestataires. Himalaya souhaite ainsi accompagner
les web marchands dans la construction de leurs chaînes
logistiques.
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