La SSII franco-britannique Sema Group présente dans
plus de 70 pays et réalisant un CA de 2,23 milliards
de dollars pour 99 (soit une croissance de 20% pour l'année)
s'est engagée dans une stratégie fortement
axée sur les télécoms (voir
article). Après le développement d'applications
de gestion de la relation client à l'attention des opérateurs
de télécommunications en collaboration avec Broadvision.
(dernier progiciel TKA), le lancement de Sema Portal, un
portail Internet multi-accès depuis Internet, un
téléphone WAP, un PDA, un PC ou tout autre matériel connecté
à un réseau sans fil ou filaire, la société
vient de prendre le contrôle du groupe américain
LHS, une acquisition majeure destinée à lui
assurer un leadership sur ce marché. François
Dufaux, directeur général de Sema, revient
sur les objectifs et la stratégie du groupe.
Propos recueillis le Jeudi 16 mars 2000 par
Alexandra
Bissé
JI: Quels sont les différents pôles de métier
de Sema Group à l'heure actuelle et leurs poids respectifs
?
François Dufaux : Notre activité s'articule
autour de trois métiers de base qui sont l'intégration
de systèmes (l'origine, le coeur même de notre
métier) et qui représente 40 à 45%
de notre CA, l'infogérance également 40% de
notre activité et enfin un pôle de développement
plus récent qui est l'édition de progiciels
verticaux (à destination des télécom
et du secteur financier). Un quatrième métier
qui coiffe l'ensemble est le consulting qui représente
environ 10% de notre activité totale. Nous disposons
d'une expérience de près de 10 ans auprès
du monde des télécoms parmi lequel nous comptons
des clients tels que Telecom
Italia Mobile ou encore le britannique Vodafone.
L'activité télécom représente
une part de 16% derrière les services financiers
(20%) et le secteur public (20%). Par ailleurs deux très
forts pôles de croissance dominent l'ensemble des
activités : les télécom mobiles et
l'e-commerce.
Quels
sont les objectifs stratégiques qui ont présidé
à l'acquisition de l'américain LHS annoncée
cette semaine ?
Nous
souhaitons capitaliser sur notre métier d'intégrateur.
Le créneau des télécom, en particulier
celui des télécom mobiles, constitue une voie
d'accélération pour notre activité.
Il y a deux raisons à cela : sa très forte
croissance (400 millions d'abonnés au téléphone
mobile dans le monde) et la convergence des réseaux
télécom, GSM, vidéo et des données
qui s'opère actuellement. Ainsi nous avons souhaité
renforcer notre entité télécom mobile
qui couvre actuellement 15 millions d'abonnés sur
140 sites. L'objectif principal qui a guidé cette
opération est en priorité d'étendre
notre part de marché sur ce secteur, obtenir un avantage
concurrentiel technologique et générer des
produits de pointe plus vite.
Quelles sont les synergies concrètes
dont vous tirerez parti ?
La première complémentarité se situe
au niveau géographique puisque LHS de par sa nationalité
est très bien implanté aux Etats-Unis ce qui
va nous permettre de renforcer notre présence outre-atlantique.
Effectivement, Sema n'a pu démarrer que tardivement
sa pénétration du marché américain:
l'actionnariat de Paribas nous empêchait, selon la
règlementation américaine, de vendre des logiciels
(statut de banque). Nous avons obtenu l'autorisation seulement
en 97. Notre part de marché passera donc de 2% à
9%. Néanmoins, nous croyons beaucoup en l'avenir
de l'Europe en matière de Nouvelles Technologies
qui a su s'adapter très tôt à la mobilité
(norme GSM). Par ailleurs LHS est très présent
en Europe de l'Est, un marché où Sema est
peu présent.
En
terme d'activité et de savoir-faire ?
Les
compétences des deux sociétés s'articulent
autour de la gestion de la clientèle, facturation,
tarification (CCBS : Customer Care and Billing System).
Mais aussi la messagerie qui occupe un rôle de premier
plan dans les développements futurs (SMS et portail
multi accès: plus seulement la voix mais aussi des
services sophistiqués tels que la bourse, des prestations
commerciales...). Notre produit SemaVision ou Targys (logiciel
LHS) proposent ce type de fonctionnalités. Nous sommes
également très présents sur les systèmes
pre-paid qui sont utilisés par 80% des abonnés.
Plutôt
que de complémentarité ne s'agit-il pas là
de redondance ?
Redondance
n'est pas le mot exact car nous ne touchons pas des cibles
identiques en terme d'envergure. Nous opérons auprès
de grands opérateurs télécom tandis
que LHS s'adresse à des opérateurs dits intermédiaires.
Les deux sociétés réunies toucheront
près de 140 millions d'abonnés au total sur
350 sites. Par ailleurs, disposer de différentes
gammes de produits est un atout en soit pour notre clientèle
qui dispose d'un choix plus large en terme de solutions.
Ensuite certains clients LHS pourront bénéficier
de nos prestations en matière d'intégration
et d'outsourcing de leurs systèmes pour ceux qui
ne souhaitent pas les héberger et/ou les exploiter.
Une
intégration des gammes des produits des deux sociétés
aura-t-elle tout de même lieu ?
Ce
n'est pas la priorité actuelle même si nous
le prévoyons d'ici 2 à 3 ans. Nos savoir-faire
sont proches dans la mesure où nous disposons d'une
compétence WAP forte issue de la même source
(phone.com). Mais également autour des messageries
et technologies GPRS, IP et UMTS qui seront les technologies
de nouvelle génération pour les télécom
mobiles. Par ailleurs, nos produits utilisent des technologies
de base similaires orientées objet. Enfin, il est
important de préciser que nous avons pris la décision
de modifier notre politique de distribution en ce qui concerne
nos solutions progicielles qui ne seront plus notre exclusivité
et qui pourront être intégrées par des
partenaires de LHS.
En matière d'e-commerce,
comment appréhendez-vous ce second pôle de
croissance ?
Il
est intimement lié au pôle télécom
mobile dans la mesure où la mobilité est un
facteur de commerce électronique. Dans ce domaine,
nos compétences vont de l'analyse de l'existant à
la transformation des systèmes pour intégrer
le Web. Nous sommes capables d'extraire les données
pour les rendre disponibles à la fois pour les clients
et les fournisseurs. Par ailleurs, nous disposons d'une
expertise à même d'accompagner les entreprises
dans la transformation de leurs process dans leurs relations
clients et fournisseurs. La création d'applications
d'e-commerce ex-nihilo et conseil associé représente
8% de notre activité.
Des
acquisitions sont-elles à prévoir dans ce
domaine ?
Nous
travaillons avec des partenaires dont le métier est
orienté vers le design, le graphisme ou encore le
brand name. Ils sont spécialistes sur leur
créneau et complètent notre travail. Nous
considérons que ces spécialistes vivent mieux
à l'extérieur.
Vous
participez néanmoins à des fonds d'investissements.
En quoi consiste cette stratégie ?
Nous
avons effectivement investi dans plusieurs start-ups aux
USA -le fonds d'investissement californien Convergent
Partner-. sur des technologies allant de WAP à
HDTML. La start-up phone.com évoquée plus
haut fait partie de ce programme d'investissements stratégiques.
Nous avons l'intention de reproduire ce schéma en
Europe, en Israël ou en France en particulier autour
de l'internet bancaire.
Agé
de 60 ans, François Dufaux est diplômé
de l'Ecole Polytechnique de Lausanne. Il a débuté
sa carrière chez Texas Instruments en 1966 en tant
que Directeur Commercial de 1971 à 1975 puis Directeur
Marketing de 1975 à 1978. Il a ensuite pris la responsabilité
de la Division Téléphonique Privée
de Thomson de 1978 à 1983 avant d'être nommé
en 1984 vice président de Fairchild Corp puis président
directeur général de Fairchild Europe. En
1988, il rejoint Sema Group en qualité de directeur
général. Il est à ce titre membre du
comité éxécutif du groupe. Depuis 1997,
il est président de Syntec Informatique.