Après avoir conclu 3 acquisitions à la
fin de l'année dernière en Italie, au Portugal
et au Maroc, GFI Informatique poursuit en ce début
2000 sa politique de croissance externe. Au mois de janvier,
la grande SSII française a de nouveau racheté
3 sociétés en Allemagne, en Hollande
et en Suisse. GFI représente aujourd'hui 27 agences
en France et est présente dans 11 pays différents.
Jacques Tordjman, son PDG, nous expose la stratégie
du groupe, ainsi qu'une vision de ses différents
marchés.
Propos recueillis le 9 février 2000 par François
Morel
JI:
Dans quel contexte se situent les dernières acquisitions
de GFI ?
Jacques Tordjman : Elles se placent toutes
dans la stratégie Internet que j'ai entamée
il y a 2 ans. L'objectif que nous nous étions
fixés était d'atteindre en 3 ans
25 % de notre chiffre d'affaires à l'étranger.
Au début de l'année, en Allemagne, nous
avons pris le contrôle de SPS, spécialisée
dans l'e-business et les intranets, qui affiche 200 millions
de francs de CA et une présence dans 9 villes
allemandes.
Au Pays-Bas, nous avons racheté ASN (24 millions
de francs de CA) dont l'expertise porte sur les réseaux
et architectures de réseaux. Enfin, nous nous
sommes renforcés en Suisse Romande, en acquérant
Multizoom spécialisé dans les ERP. Avec
150 personnes en plus, nous sommes aujourd'hui
la première SSII dans cette région helvétique.
Quels
sont vos objectifs de croissance externe ?
Notre
deuxième plan, dans lequel se placent les dernières
acquisitions, couvre de 1998 à 2000. Hier nous
avons annoncé notre chiffre d'affaires pour
l'année passée, qui culmine à
plus de 2,4 milliards de francs alors que l'objectif
initial était de 2 milliards. C'est pourquoi,
il y a 2 semaines, j'ai annoncé un troisième
plan qui vise le doublement de notre CA. Nous souhaitons
en réaliser 65 % à l'international.
GFI compte près de 8.000 collaborateurs
dans le monde, dont environ 3.000 hors de France.
Que comprend plus précisément
ce troisième plan ?
Notre stratégie s'étend dans 3 directions.
Tout d'abord, nous voulons doubler notre présence
là où nous sommes déjà. Ensuite,
nous bâtissons une plate-forme africaine à
partir du Maroc, où nous venons d'effectuer 2 acquisitions.
Et enfin, nous souhaiterions poser un pied aux Etats-Unis
afin de suivre au plus près de la source l'évolution
des technologies. Il s'agira probablement d'une équipe
de recherche et développement dans les technologies
Internet.
Dans
quelles technologies GFI est-elle spécialisée
?
Depuis
1995, nous avons misé sur des nouvelles technologies
comme les réseaux, Internet et intranet, le
groupware, la Ged... Aujourd'hui, nous nous lançons
dans l'informatique mobile et le Wap, et depuis un
an, nous sommes spécialisés dans l'e-business.
Une cinquantaine de sites Web sont gérés
dans notre centre d'hébergement. Nous avons
une offre dédiée au B2C, iStore, et
une autre au B2B, iCommunity. Auparavant, l'EDI était
lourd, compliqué et cher. Mais aujourd'hui,
les entreprises veulent profiter de la simplicité
et de la réduction des coûts induites
par Internet.
Quels
sont, selon vous, les marchés en plus forte
croissance ?
Aujourd'hui,
nous sommes essentiellement présents en Europe.
Clairement, l'Espagne et le Portugal connaissent un
"boom" formidable. La France traverse le
problème de l'implémentation des 35 heures,
mais reste sur une croissance importante. En Italie,
la demande est forte, et les Pays-Bas sont grands
consommateurs de technologies. Je suis plus réservé
sur la Grande-Bretagne et la Belgique, où il
y a un petit ralentissement.
A
propos des 35 heures, où en est GFI ?
Je
suis très content car nous avions toujours dit que
l'accord de branche du Syntec serait étendu et il
l'a été. Nous avons signé un accord
interne le 31 janvier avec la CFDT. Nous avons repris
l'accord Syntec avec quelques améliorations et nous
sommes entrés en phase d'implémentation.
Quelles
dispositions avez-vous pris pour faire évoluer votre
organisation ?
Les
35 heures coûtent aux entreprises, à
nos clients, près de 2,5 points de marge.
Nous avons donc d'abord optimisé nos structures
pour gagner en productivité. En 1999, nous
y avons gagné environ 1,5 %, dont une
partie a été reportée sur nos
clients. Nous pensons pouvoir ce qui manque dans une
meilleure gestion de nos forfaits. Nous avons beaucoup
investi dans la méthode et la qualité,
ce qui fait que nous avons été certifiés
ISO-9001 en novembre dernier. Tout cela nous fera
trouver les virgules qui nous restent.
Allez-vous
recruter autant en 2000 que les années précédentes ?
L'an dernier, nous avons embauché
1 400 collaborateurs, et en 1998, 1 300.
Cette année, nous prévoyons de recruter 1 200
personnes supplémentaires. Pour l'instant, les choses
se passent bien, mais il convient d'être sur le qui-vive
en permanence et de trouver des solutions au moment où
les problèmes se présentent.
Quelle
est votre définition de l'e-business ?
C'est
une nouvelle manière de faire des affaires
avec la technologie, un nouveau canal pour faire du
commerce. Les objectifs de l'e-business peuvent se
décliner en 3 grands domaines : augmenter
les ventes, connaître le comportement des clients
et les fidéliser, et diminuer les coûts
de communication en étant plus réactifs
et plus communicants. L'e-business chamboule toute
l'organisation, notamment avec ce que l'on appelle
les intranet et extranet.
Les
communautés d'entreprise vont-elles être amenées
à se développer ?
Nous
en sommes seulement au tout début. Pour moi, elles
vont se développer très rapidement, car les
budgets du net ont aujourd'hui été multipliés
par 5 ou 10.
Quels
sont les problèmes qui restent à régler ?
Pour la sécurité, la technologie est
enfin là, mais il reste à convaincre
psychologiquement.
D'autre part, l'e-business réclame des réseaux
très rapides intégrant à la fois
les données, les images et le son. Enfin, auparavant
c'étaient les informaticiens qui discutaient
de tout cela. Aujourd'hui, les directions générale,
marketing ou de la communication doivent être
impliquées. Ce sont alors des freins culturels,
et non technologiques.
Selon
vous, quelle est la technologie qui décollera le
plus au début du XXIème siècle ?
Pour moi, c'est le Wap, l'utilisation
des téléphones portables pour se connecter
à Internet. Nous vivons dans le futur, avec la
capacité à partir d'un portable de passer
commande sur des sites et de payer directement. Or, comme
tout le monde essaie d'avoir le maximum de clients pour
assurer la transaction derrière, cette technologie
va exploser.
Croyez-vous
beaucoup dans le concept de société
mobile ?
La société est déjà
mobile. Le mouvement est parti. Je me connecte régulièrement
avec mon portable à travers l'Europe. Avant, les
gens voyaient ça de manière futuriste. Il
y a eu ce que les américains appellent un "gros
changement".
Entré
en 1968 chez Philips comme ingénieur informaticien,
Jacques Tordjman est aujourd'hui président
directeur général de la SSII GFI Informatique
depuis 10 ans. A peine nommé en 1990,
il engage une stratégie de croissance qui
lui permet de doubler le chiffre d'affaires du groupe
en moins de 18 mois. Lors de l'acquisition
de GFI par la SSII mondiale EDS en 1991, il dirige
la nouvelle entité (3ème SSII européenne)
avant de racheter les activités de prestation
intellectuelle d'EDS France et de relancer GFI Informatique
en janvier 1995.
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