Filiale à 100 % du groupe Seagate Technology
(80 000 personnes pour un CA de 50 milliards
de francs), Seagate Software est un éditeur de logiciels
spécialisé dans l'intelligence économique
ou l'aide à la décision. Alors que les polémiques
sur le rachat de sa maison-mère par un groupe d'investisseurs
vont bon train, la filiale vient juste d'annoncer la sortie
de la toute dernière version de son logiciel de reporting,
Crystal Reports 8. Stéphane Zadri, son directeur
général pour la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient,
Afrique), éclaire cette actualité foisonnante.
Propos recueillis le 1er avril 2000 par François
Morel
JI:
En quoi Seagate Software est-elle concernée par le
rachat de Seagate Technology ?
Stéphane Zadri : Notre maison-mère
est affectée par une opération de rachat qui
implique Veritas et un groupe d'investisseurs. Nous allons
bientôt être introduits en bourse, beaucoup
de gens rachètent donc des actions. En fait, nous
n'avons pas eu beaucoup d'informations en interne. Le message
officiel est qu'il n'y a aucun changement concernant Seagate
Software.
Comment
expliquer qu'une société qui fabrique des
disques durs se soit lancée dans l'édition
de progiciels décisionnels ?
Alan
Shugart, notre gourou de l'informatique et président
à l'époque, avait pris la décision
il y a 10 ans de créer une division logiciels.
En effet, les disques durs étaient positionnés
en tant que produits de commodité, et les marges
n'étaient pas très intéressantes. Entre
1990 et 1995, nous avons donc procédé à
toute une série d'acquisitions en rachetant 12 ou
14 entreprises, parmi lesquelles certaines opérations
se sont avérées très fructueuses.
Seagate Software est issue du rachat de Crystal Services
au Canada et d'Holistics Systems à Londres. Holos
était historiquement le premier système OLAP
il y a une dizaine d'années. Cela explique qu'un
tiers de nos équipes de recherche et développement
sont situées en Grande-Bretagne. Le démarrage
de l'édition de logiciels décisionnels est
venu en prolongement de notre activité disques durs.
Nous sauvegardons et nous donnons accès aux données.
En plus, à présent, nous pouvons les extraire,
les reporter et les diffuser. C'était l'axe principal,
à l'époque, de notre stratégie de base.
Mais il s'agissait plus d'un discours théorique que
d'une application pratique.
Comment vous positionnez-vous
sur le marché de l'intelligence économique
?
Nous sommes positionnés sur 3 segments de ce
marché. Tout
d'abord, nous sommes le numéro 1 mondial des outils
de reporting. Selon la plupart des études,
le reporting couvre de 65 à 75 % des besoins
en informatique décisionnelle de la part des entreprises.
Le deuxième segment est celui de l'analyse moyenne
qui propose des fonctions statistiques de base. Enfin, l'analyse
plus poussée touchant à de grandes bases de
données comme les datawarehouses s'appuie sur des
architectures très lourdes et très complexes.
Nous attaquons respectivement ces segments avec trois produits,
Crystal Reports, Seagate Info et Seagate Holos, dont les
prix s'étendent de quelques centaines à plusieurs
centaines de milliers de francs. Crystal Reports compte
5 millions d'utilisateurs enregistrés (ayant
rempli un formulaire) et nous estimons le nombre de ses
utilisateurs réels à près de 40 millions.
Pourriez-vous
expliquer les raisons de ce succès ?
D'une
part, Crystal Reports est un produit bon marché,
vendu aux alentours de 3 000 francs, qui permet
de faire de la diffusion web. Le produit de base est fourni
pour 5 utilisateurs simultanés, les accès
supplémentaires étant vendus sur demande par
paquets de 10. Pour un petit prix, on peut ainsi élargir
l'aspect monoposte et diffuser des rapports à des
dizaines d'utilisateurs en même temps.
D'autre part, notre produit a été diffusé
chez de nombreux éditeurs tiers: Crystal Reports
se retrouve ainsi dans de nombreux produits, un peu plus
de 160 aujourd'hui. Par exemple, Microsoft intègre
nos outils dans plus de 10 produits différents.
A chaque fois qu'un produit de la gamme Visual ou qu'un
Back-Office Server est commercialisé, un Crystal
Reports est compris dedans. Pour les développeurs
d'applications, il est intéressant d'avoir accès
à la même souplesse que d'habitude pour intégrer
des rapports dans leurs programmes. En plus de nos API gratuites
("free runtime"), nous avons introduit toute une
série d'API payantes qui permettent aux développeurs
d'intégrer du Crystal Reports dynamique dans leurs
propres applications. Grâce à cela, nous faisons
un tabac.
En
quoi les entreprises ont-elles réellement besoin
d'outils décisionnels ?
Toute
entreprise souhaite pouvoir accéder à ses
données et les présenter sous forme lisible.
La version 8 de Crystal Reports intègre un composant
web réécrit, qui met à disposition
sur l'intranet le contenu des rapports en statique et en
dynamique, donc en ne perdant aucune fonctionnalité.
Cela permet aussi de construire en trois minutes des rapports
qui mettraient des heures à être réalisés.
Un deuxième type de demande, un peu plus nouveau,
concerne le partage des données en interne ou dans
l'entreprise étendue (salariés, clients, fournisseurs,
partenaires...), y compris les collaborateurs mobiles.
Pouvez-vous
nous donner quelques exemples ?
L'un
des procédés les plus courants utilisés
dans le reporting est le "color coding". On peut
ainsi paramétrer utilement le logiciel afin que toutes
les régions affichant des résultats négatifs
apparaissent en rouge et pas en noir comme les autres. De
la sorte, on peut gagner des dizaines de minutes. Les tableaux
de bord font aussi partie des applications les plus demandées.
Par ailleurs,
pour des analyses de réseaux, l'administrateur se
sert de fichiers "log" illisibles, et Crystal
Reports est utilisé pour rapporter ces éléments
et les organiser de façon plus compréhensible.
Autre aspect du décisionnel, le data mining met en
valeur des corrélations cachées à l'intérieur
de grands bases de données. D'autres applications
existent, comme le Customer Profiling System qui s'occupe
de proposer des contenus adaptés à l'utilisateur.
Quelles
vont être les évolutions futures de Crystal
Reports ?
Deux
tendances sont en train de se dessiner. Concernant la partie
applicative, nous constatons en quelque sorte une fusion
de l'intelligence économique et du CRM (gestion de
la relation client). Les deux domaines deviennent très
voisins, le Customer Profiling System (CPS) étant
déjà du CRM. L'autre tendance est le "drill
down", qui permet de descendre cran par cran dans des
données. Concrètement, un utilisateur dispose
d'une carte du monde dans Crystal Reports mais est intéressé
par ses chiffres de vente en Europe. Il clique sur le continent
et celui-ci s'affiche intégralement sur l'écran.
Ensuite, il peut procéder de la même façon
pour la France, une région, et terminer sa navigation
par un vendeur particulier de cette zone géographique.
Nous pouvons faire cela car nous supportons la consultation
dynamique web et client/serveur.
En
tant que directeur général de Seagate Software
pour l'Europe du Sud, Stéphane Zadri est responsable
de la gestion des opérations de l'entreprise depuis
Paris jusqu'à Dubai et même Johannesburg. Avant
de rejoindre l'éditeur en 1997, il occupe le poste
de directeur du secteur télécom de Novell
pour la zone EMEA. De 1991 à 1994, il crée
pour Sun Microsystems, en tant que directeur des ventes
européennes de SunPro, un réseau de distributeurs
couvrant 18 pays en Europe.