Courant
juillet, le W3C a
annoncé la création d'un comité des sages. Faut-il
comprendre que le consortium doit gérer un nombre croissant de
conflits ?
Jean-François Abramatic:
Le W3C regroupe à la fois
des représentants des membres du consortium (environ 500 sociétés)
et l'équipe même du consortium, c'est-à-dire les personnes
qui travaillent à temps plein sur les travaux engagés. Il
est vrai que le nombre de chantiers ouverts et les difficultés
de communication qui en découlent risquaient de créer des
tensions entre les membres et cette équipe. Ce comité, le
TAG (pour Technical Architecture Group, ndlr) a donc vocation d'émettre
assez tôt des recommandations, afin que les groupes travaillent
sur des bases communes. Et il peut aussi intervenir pour résoudre
des tensions
Combien
de personnes constituent l'équipe du W3C ? Et qui les rétribue
?
Tout d'abord, je vous rappelle que le W3C n'est pas une entité
juridique mais un réseau qui s'appuie notamment sur le MIT, l'INRIA
et l'université de Keio, au Japon. Les cotisations versées
par les membres du W3C financent une équipe de 60 permanents qui
sont employés par les différents pôles universitaires.
Personne n'est "salarié" du W3C.
Le
W3C est un organisme qui se veut "neutre" par rapports aux éditeurs.
Comment garantissez-vous cette neutralité ?
Les membres sont tous traités sur un pied d'égalité
et ont les mêmes droits. S'il existe deux types de cotisations (l'une
à 50 000 dollars l'année, l'autre à 5000 dollars
l'année) c'est pour permettre à des organisations à
but non lucratif ou à de petites entreprises de participer. Ces
cotisations différentes ne débouchent pas sur des droits
différents. Ensuite, ces membres du W3C ne sont pas seulement des
fournisseurs mais aussi des utilisateurs, ce qui crée un équilibre
assez sain.
Cependant,
on ne peut pas s'empêcher d'être un peu surpris quand des
co-rédacteurs de spécifications fondamentales - XML par
exemple - prennent des responsabilités de haut niveau chez un éditeur
comme Microsoft...
On ne peut pas empêcher ceux qui sont passés par le W3C de
poursuivre une carrière après le W3C ! Ce qui compte, c'est
le processus d'élaboration des spécifications. Et, je vous
le répète, le face à face permanent entre l'offre
et la demande qui existe au sein du consortium empêche les dérives.
Comment
le W3C organise-t-il tous les chantiers en cours ?
Nous nous sommes organisés
en cinq domaines. "Architecture", où figure notamment
XML ; "Formats de documents" où sont élaborés
des langages comme XHTML ou SVG; "Interaction" où sont
placés les travaux sur SMIL (langage de synchronisation multimédia)
par exemple; "Technologies et Sociétés" qui chapeaute
P3P (protocole relatif à la gestion des données personnelles)
et surtout le Web sémantique. Enfin, la cinquième activité
"Web Accessibility" s'occupe de garantir l'accès aux
ressources du Web aux handicapés.
Parmi tous ces travaux, le Web
sémantique, auquel tient manifestement beaucoup le W3C, ne
semble pas susciter l'intérêt d'un grand nombre d'éditeurs...
Le Web sémantique est un défi à long terme lancé
par des visionnaires et gourous du Web. Il dessine un Web de nouvelles
générations avec un modèle de méta-données
qui permettra de mieux qualifier les ressources. C'est aujourd'hui encore
encore un projet de chercheurs, même si des petites sociétés
spécialisées s'y intéresssent déjà.
Si
XML et ses composants génériques sont dans les mains du
W3C, d'autres organismes sont également entrés dans la sphère
de XML pour proposer des applications verticales. Cette répartition
des rôles a été choisie par le W3C ?
Absolument. A un moment il a fallu se déteminer sur ce sujet: savoir
si nous restions concentrés sur les technologies génériques
où si nous décidions d'élaborer aussi les extensions
verticales. Finalement, nous avons retenu la deuxième option. Voilà
pourquoi un organisme comme l'Oasis
prend en charge par exemple ebXML. Cette répartition des rôles
ne nous empêche pas de travailler ensemble, bien au contraire.
Question
un peu plus personnelle: vous êtes président du W3C depuis
1996 et aussi vice-président R&D d'Ilog depuis septembre 2000.
L'emploi du temps doit être chargé, non ?
En effet. Je souhaitais depuis quelque temps revenir dans l'industrie
et l'occasion de rejoindre Ilog est tombée à point nommé.
Je comptais mettre fin à mes fonctions au sein du W3C à
ce moment là. Toutefois, d'un commun accord avec la direction du
W3C, nous avons décidé de poursuivre, pour une période
transitoire. Prochainement, je pourrai donc me consacrer entièrement
à mes premiers amours, la R&D...
Depuis 1996,
Jean-François Abramatic occupe le poste de président du W3C,
organisme lui-même créé en 1994 pour élaborer
les langages et protocoles du Web. Vice-président R&D d'Ilog
depuis septembre 2000, il dirige à ce poste une équipe de
120 ingénieurs. Auparavant, notamment de 1974 à 1982, Jean-François
Abramatic a travaillé au sein de l'INRIA en tant que chercheur.
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