Jamais
le secteur des jeux vidéo n'aura su provoquer autant d'effervescence et
attiser les convoitises d'aussi nombreux acteurs informatique à l'origine
positionnés sur le marché professionnel. Il faut dire que du haut
de ses 25 milliards d'euros de revenus générés au niveau
mondial en 2005 (voir Les chiffres clés
du marché du jeu vidéo), ce marché a de quoi faire
envie.
"Les revenus liés aux ventes de consoles de jeux-vidéo,
de logiciels PC et consoles, et d'accessoires ont dépassé 1,5 milliard
d'euros sur l'année 2005 en France et ont même atteint les 8,1 milliards
d'euros pour l'Europe sans les ventes d'accessoires", indique Natacha Pépion,
chef de marché au sein du cabinet d'analyse GfK marketing services
Eu
égard à l'incroyable vitalité de ce marché (lire
l'interview d'Emmanuel Forsans
de l'Agence Française pour le Jeu Video), rythmé par la sortie
cyclique (tous les 4-5 ans environ) de consoles de jeux toujours plus puissantes
(Playstation 3 et Xbox 360 notamment) et de cartes/circuits graphiques pour ordinateurs
intégrant sans cesse de nouvelles innovations (mémoire GDDR3, moteur
physique...), plusieurs acteurs de l'informatique professionnelle ont manifesté
leur intérêt grandissant pour ce juteux marché.
En
faisant son entrée dans l'arène concurrentielle des constructeurs
de consoles, dominé alors par les japonais Nintendo, Sega et Sony, Microsoft
a ainsi redoré le blason des Etats-Unis dans ce domaine dans la mesure
où ses compatriotes de l'époque (3D0, Atari et Commodore) s'y sont
tous brillamment cassé les dents au détour des années 90.
"Les
raisons qui ont poussé Microsoft à investir le terrain du jeu vidéo sont doubles,
d'un point de vue du client final d'abord, pour apporter des nouvelles expériences
de jeu, graphisme et services en ligne ou hors ligne, et d'un point de vue économique
et industriel ensuite pour saisir une opportunité de croissance, notamment en
Europe du sud", analyse François Ruault, directeur de la division grand public
de Microsoft France.
"L'arrivée
de Windows Vista va indirectement profiter aux joueurs" (Stanislas
Odinot - Intel) | AMD
de son côté, en annonçant le rachat du fabricant de cartes
et de circuits graphiques ATI en juillet dernier pour 5,4 milliards de dollars,
rentre de plain-pied dans le monde du jeu vidéo. Car le canadien, en plus
de faire partie des principaux fournisseurs de composants graphiques pour PC,
équipe de ses puces graphiques deux consoles de nouvelle génération
sur trois, à savoir la Wii (Nintendo) et la Xbox 360 (Microsoft).
Son
concurrent direct, Intel, n'est d'ailleurs pas en reste. Il a par exemple équipé
de son processeur Pentium III cadencé à 733 Mhz la première
Xbox, tandis que son implication dans le jeu vidéo pour PC est loin d'être
anecdotique.
"L'intégration de cartes graphiques au sein de nos chipsets
a commencé dès 1998, date à laquelle les fonctionnalités d'accélération 3D et
de décodage ayant pour finalité le jeu vidéo a commencé à percer. Désormais,
Intel intègre aux cartes mères des contrôleurs graphiques de type GMA 950
répondant aux exigences imposées par le jeu vidéo avec des fonctionnalités d'affichage
comme la gestion du Vertex Shader 3.0 et du Transform and Lighting",
fait savoir Stanislas Odinot, responsable de la communication d'Intel pour la
France.
Et le porte-parole de préciser : "l'arrivée
du système d'exploitation Vista et le surcroît de puissance en termes
d'affichage nécessaire va indirectement profiter aux jeux-vidéo
et permettre à nos circuits graphiques intégrés d'être
de moins en moins en décalage avec les exigences imposées par le
jeu vidéo de nouvelle génération".
Deux autres
acteurs, historiquement placés sur le marché de l'informatique professionnelle,
ont aussi saisi chacun à leur tour l'opportunité de relais de croissance
bienvenus. IBM, par exemple, en fournissant des
composants clés (les processeurs centraux, dits CPU) de l'ensemble des
consoles de nouvelle génération, mais également Dell
qui ne cache plus maintenant ni ses ambitions, ni ses prétentions en la
matière.
Le
marché du jeu vidéo a franchi un palier de maturité supplémentaire |
"Nous avons en effet mis du temps à adresser la partie grand
public et notamment les joueurs car nous souhaitions nous assurer de la profitabilité
de cette activité en ne pénétrant ce marché qu'à
la condition d'un taux de croissance élevé. Tous les paramètres
sont désormais réunis pour proposer des configurations spécifiquement
adaptés aux joueurs et aux hard-core gamers bien que ce type de
configurations ne recouvre que 10% de nos ventes globales de PC", précise
Vincent Baijot, chef de produits pour la gamme PC du constructeur.
D'autres
acteurs spécialisés dans l'édition logicielle et plus précisément
dans le domaine du middleware - des développements de briques de
code informatique qui sont ensuite intégrés à l'application-,
s'intéressent également de près au monde du jeu vidéo
comme par exemple Dassault Systèmes, mais
aussi Kynogon et Bionatics.
"Aujourd'hui, les studios ou éditeurs de jeux-vidéo font appel
aux technologies des éditeurs de middleware pour bénéficier d'une expérience acquise
dans un domaine particulier comme le path finder, le rendu de textures,
ou encore le moteur physique. L'une des caractéristiques de ce segment
de marché est que la souche de développements pour le jeu vidéo
pourra intervenir directement dans réalisation de développements
pour la simulation civile et militaire", fait remarquer Stéphane Gourgout,
vice-président de Bionactics.
Le marché du jeu vidéo
a certainement franchi un palier de maturité supplémentaire en ne
constituant plus le pré carré d'une poignée d'acteurs spécialisés.
Désormais, les géants de l'informatique professionnelle ont envahi
la place, qu'ils soient éditeurs, constructeurs, ou bien fondeurs et fournisseurs.
Si
tous n'ont pas pénétré ce marché avec les mêmes
desiderata (Microsoft pour le terrain de jeu de la console, Dell pour celui
des configurations PC dédiées, IBM pour réaliser à
la fois des économies d'échelle et des synergies entre les mondes
vidéoludique et professionnel...), leur entrée en force n'en demeure
pas moins un indicateur éclatant de la vigueur et du devenir de ce secteur.
Le jeu vidéo n'est définitivement plus un jeu d'enfant.
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